«En raison d’un projet immobilier», une famille expulsée au Luxembourg
D’origine cap-verdienne, une mère et ses trois filles ont été contraintes de quitter une maison qu’elles louaient depuis 20 ans. Elles ont demandé un logement social, mais celui-ci n’était pas disponible.
Environ 16 locataires sont expulsés chaque mois. Cette fois, c’est l’histoire d’Ivone F., 50 ans, fille de parents capverdiens et née au Luxembourg.
Cette dernière a vu son appartement de Mertzig, qu’elle loue depuis une vingtaine d’années, vendu par son propriétaire «il y a un an et demi». Le propriétaire a demandé au tribunal de Diekirch une ordonnance d’expulsion à son encontre.
La femme et ses trois filles «font l’objet d’une mesure d’expulsion en raison d’un projet immobilier», a expliqué dans un communiqué l’association «Solidarité mat den Heescherten», l’organisation humanitaire qui l’a aidée à trouver un autre logement.
Le litige a débuté en août 2023. La première décision de justice exhortait la famille à quitter l’appartement le 15 octobre 2024. Mais elle a obtenu une première prolongation jusqu’au 15 janvier de cette année. Et maintenant une deuxième, mais Ivone et ses enfants devront quitter l’appartement avant le 1er avril.
La mère de famille souffre d’une maladie chronique – l’hypertension cardio-pulmonaire – et doit recevoir de l’oxygène par l’intermédiaire d’un appareil pour vivre. Un accident vasculaire cérébral survenu il y a un an l’empêche de travailler. Elle dort avec une pompe à oxygène.
Elle a travaillé pendant 30 ans dans le nettoyage d’une école et perçoit aujourd’hui une pension d’invalidité d’environ 2.100 euros en attendant «une opération de transplantation en Belgique».
Un logement vacant après deux ans d’attente
Elle a cherché une autre maison, mais seule, avec trois filles et sans les revenus nécessaires, elle a fini par demander une aide sociale à l’État. «Il n’y avait pas de logement disponible», explique-t-elle à Contacto. Ses filles ne travaillent pas: elles ont 20, 21 et 24 ans. Deux d’entre elles vont maintenant à l’université et une autre a terminé l’école secondaire.
En novembre 2024, l’association «Solidaritéit mat den Heescherten» se saisit du dossier, et différentes institutions sont contactées, dont «l’organisme de logement social dépendant de la commune de Mertzig, le Fonds de Logement et les ministères de la Famille et de la Santé. Toutes se sont déclarées dans l’impossibilité d’intervenir», explique l’association dans un communiqué.
Mais après deux ans d’attente, Ivone se rendra «enfin» dans un logement social le 1er mars prochain. C’est la première fois qu’elle reçoit une réponse de l’Etat.
Cette famille de quatre personnes a échappé à un avenir incertain et à un éventuel sans-abrisme après «un an de tentatives infructueuses pour obtenir une solution de logement, tant dans des agences immobilières privées que dans des institutions sociales», explique l’association de solidarité.
700 demandes d’expulsion introduites entre 2023 et 2024
Le coût moyen d’un loyer atteignant 52% du salaire minimum brut luxembourgeois depuis 2023, de plus en plus de «citoyens sont confrontés à des difficultés financières temporaires ou chroniques», ajoute l’association.
Selon Solidarité mat den Heescherten, entre avril 2023 et septembre 2024, «plus de 700 demandes d’expulsion ont été déposées auprès des tribunaux de Luxembourg, Esch-sur-Alzette et Diekirch»: 635 ont été approuvées et 327 ont été effectivement exécutées – soit une moyenne de 16 expulsions par mois.
«De nombreuses personnes ont été contraintes de quitter leur logement en présence d’un huissier de justice et de la police», conclut l’organisme d’aide sociale.
Cet article a été publié initialement sur le site de Contacto.