Pour une Ville inclusive, sans peurs !

Lettre à la rédaction

 

La Ville de Luxembourg se dit fière d’être une capitale avec plus de 124.000 habitants dont 70% sont des étrangers regroupant 165 nationalités. Cette grande diversité de nationalités, de cultures, d’origines sociales …  donne à cette ville un dynamisme et un air cosmopolite d’ouverture sur le monde.

Mais nous assistons aussi à une gentrification rapide des habitants des quartiers plus populaires de la Ville. Ses habitants issus de milieux moins bien lotis ont de plus en plus de difficultés à trouver un logement abordable et sont remplacés par des résidents au pouvoir d’achat bien plus important.

Les tensions deviennent palpables. La pauvreté avec sa petite criminalité est stigmatisée et devient le bouc émissaire de tous les maux.

 

Or il va de soi qu’une ville riche comme Luxembourg soit confrontée à des problèmes sociaux et de criminalité visibles dans certains quartiers comme la Gare ou Bonnevoie. Les discours des politiques, rappelant sans cesse le climat d’insécurité ambiant dans la Ville, alimentent chez ses habitants et bien au-delà, des sentiments de peur et de méfiance de l’autre, incitent à se refermer sur soi.

On réduit la complexité des problèmes de vente et de consommation de drogues, des sans-abris, des mendiants … à leur visibilité dans les rues de la capitale, aux peurs de citoyens inquiets d’être agressés, au fait d’être importuné(e) par la vue de ces personnes « qui ne sont pas comme nous ». La frénésie du tout sécuritaire, où l’appel à une présence constante des forces de l’ordre à tout coin de rue alimente des tensions, des frustrations et le rejet de l’étranger pauvre, jeune, réfugié ou d’origine africaine … Il est clair que ces problèmes existent et doivent être pris au sérieux, mais dans toute leur complexité et pas seulement par une approche répressive et sécuritaire.

Nous estimons que ces discours renforcent les arguments des populistes défenseurs d’une Europe catholique et blanche. Le terreau se crée ainsi pour l’extrême droite grâce aux discours de certains politiques de nos partis et là est le véritable danger pour la démocratie.

 

Comme membres de la commission communale d’intégration de la Ville de Luxembourg, nous sommes alertées par les effets dévastateurs de ces affirmations sur la cohésion sociale dans notre ville, voire dans tout le pays.

L’importance de la cohésion sociale risque être comprise de manière négative et par là devenir encore plus inaccessible. Le fait qu’on mélange en plus de manière insidieuse dans ces discours les questions d’intégration des réfugiés et des migrants, nous paraît tout à fait inacceptable ! Se donner une vraie politique d’inclusion sociale des couches les plus vulnérables de la population au lieu de les stigmatiser, rehausserait la valeur de l’action politique et donnerait à tout citoyen la chance d’être acteur et non simple spectateur passif devant les discours.

 

Considérer les avis et suggestions des commissions communales fait partie du système politique communal. Mais alors pourquoi ne pas demander le point de vue de la commission consultative d’intégration de la Ville sur des thèmes d’actualité, surtout quand il y va du vivre ensemble de ses habitants ? Le vécu de ses membres pourrait donner un regard plus large, au-delà du seul horizon des frontières de notre pays, et nous donner la chance d’être créatif dans l’élaboration de solutions concrètes.

 

Pour nous, les défis du vivre ensemble existent et doivent avoir des réponses concrètes allant au-delà de la répression et de la sécurité ; il faut rendre visible les réalités et les contradictions sociales et mener une politique sociale ambitieuse qui analyse et explique la situation actuelle et adopte des solutions de prévention. Il faut cesser les discours alarmants et simplistes réduisant des problèmes de société à des solutions répressives.

Une ville est mieux armée contre ces phénomènes si ses habitants se connaissent, créent des liens et participent. Une vraie politique de l’accueil doit permettre à ses habitants – nouveaux et anciens – de se rencontrer et ainsi favoriser la curiosité de l’autre, l’ouverture d’esprit, la tolérance et l’égalité. Ainsi p.ex. la mise en place d’activités de mise en réseau des habitants par quartier augmenterait l’échange sur le vécu réel dans le quartier, inciterait à entreprendre des activités ensemble, tout en profitant de l’intelligence collective et des talents des habitants …

Activer et responsabiliser ses citoyens au lieu de leur faire peur fait partie d’une politique responsable et durable.

Utilisons les ressources : des citoyens comme ceux engagés au sein de la commission d’intégration de la Ville de Luxembourg qui veulent à participer activement à la mise en œuvre d’une politique plus inclusive.

Marianne DONVEN

Laura ZUCCOLI