Permettre aux réfugiés d’être les acteurs de leur inclusion
Singa Luxembourg, voilà une ASBL qui porte bien son nom. Elle le tient du mot «lien» en lingala, langue bantoue parlée au Congo. Fondée en 2020 par Jimmy Corneille, la branche luxembourgeoise de l’association internationale tente d’inclure les «nouveaux arrivants» (demandeurs et bénéficiaires d’une protection internationale) dans la société grand-ducale. «Elle est née de l’envie que les gens se connectent et que cela puisse apporter une richesse à la fois aux personnes nouvelles arrivantes et aux personnes locales», se remémore le fondateur. Le lien, c’est donc ce que Singa met en avant à travers ses différentes fonctions.
Ce mardi-là, l’équipe de l’association se concentre sur le «soutien à l’employabilité». Et elle ne chôme pas. Durant la matinée, Mathieu a animé une séance sur ce thème : «Les mardis matin, de 9h à 11h30, on reçoit les bénéficiaires pour les guider dans leur projet professionnel», explique-t-il. Ils se concentrent dans un premier temps sur du théorique, dans le but de vulgariser les informations complexes pour les rendre accessibles.
«Favoriser le vivre-ensemble»
Et dans un deuxième temps, ils passent à la pratique. «On accompagne les bénéficiaires sur les prochaines étapes de leur intégration.» Cela peut être l’enregistrement à des cours de langue et à des outils tels que l’agence du bénévolat ou le service volontaire dans le cadre de missions bénévoles, ou les recherches d’apprentissage et d’entreprises. «Dans cette séance, ils ont la possibilité de voir, en fonction de leur situation, quelles sont les meilleures possibilités qu’ils ont en fonction de leur situation et de leur arrivée au Luxembourg», ajoute Jimmy Corneille.
L’après-midi, ce sont Samuel et Oliver qui prennent le relais pour tenir des rendez-vous individuels. «On a sélectionné des bénéficiaires qui remplissaient certains critères et qui avaient déjà reçu la lettre pour obtenir l’autorisation à l’occupation temporaire», précise Samuel. Pendant l’entretien, ils voient avec les bénéficiaires comment les aider concrètement dans leurs démarches professionnelles. Ils vérifient notamment si les CV et les lettres de motivation correspondent aux standards européens et les corrigent si ce n’est pas le cas. «L”idée du projet de suivi individuel, c’est de commencer à partir du CV et d’aller jusqu’à la conclusion d’un contrat de travail», complète Oliver.
Le soutien à l’employabilité n’est pas la seule chose que Singa Luxembourg propose. Elle travaille également sur le «community building». Elle programme des activités sportives, musicales et même écologiques. «On fait par exemple des activités comme la construction de murs en pierre sèche ou l’extraction de plantes invasives comme la balsamine de l’Himalaya», détaille Jimmy Corneille.
Toutes ces activités sont basées sur la création de lien entre les nouveaux arrivants et les personnes locales. «Hier, pour l’arrachage des plans de balsamine, on leur a dit: “Travaillez en binôme, mais attention, vous aurez une interrogation pour savoir qui est qui!” C’est un jeu qu’on fait à chaque fois.» Cela les pousse à discuter et à travailler ensemble. «Le souci de bien recevoir les gens, avec respect, c’est très important pour nous, pour qu’ils soient disposés à échanger.»
Le but, c’est aussi d’engager les personnes locales. Au sein de l’association, elles ont la double casquette de bénéficiaire et de bénévole. «Il faut faire aussi de la sensibilisation à l’extérieur de nos frontières pour favoriser le vivre-ensemble», explique Jimmy Corneille. Les impliquer dans le vivre-ensemble les incitent à s’engager davantage par la suite. «Ils vont voir qu’ils ont pu aider, ça va les impacter, donc ils auront envie de continuer et de s’investir dans d’autres associations.»
«On pense qu’une personne réfugiée qui connaît dix personnes locales a 70% de chances en plus de trouver un travail.» L’objectif des équipes de Singa est donc de développer le «network» des nouveaux arrivants pour favoriser leur inclusion dans la société luxembourgeoise. Pour ce faire, l’association développe, en plus de ses activités, différents projets, comme celui, phare, «Linkey». Il répond à la problématique de l’ennui et de l’isolement des réfugiés en leur permettant de s’inscrire dans une association locale. «Le principe, c’est que la personne s’investit et devient même actrice de son investissement et de son changement! C’est elle qui va donner ses connaissances à un public. Et ça, ça change un petit peu la démarche», se réjouit le fondateur.
Une personne réfugiée qui connaît dix personnes locales a 70 % de chances en plus de trouver un travail
«Apporter un nouveau regard»
Un autre terrain sur lequel s’aventure Singa, c’est celui du lexique. Les mots ont un sens et une connotation. L’équipe de l’association en a parfaitement conscience. C’est pourquoi elle a choisi de changer son lexique en utilisant des termes un peu différents de l’usage.
«Si on tape “réfugié” sur Google, ça nous donne des résultats sur l’invasion, des gens en détresse qui envahissent un pays… Il y a des connotations péjoratives», constate Jimmy Corneille. Le fondateur pointe du doigt une étude relevant que pratiquement 40 % des personnes arrivant en Europe avaient fait des études supérieures. «L’idée, c’est vraiment d’apporter un nouveau regard et de dire que, effectivement, le mot réfugié est peut-être aussi source de bienfaits pour la société.» Alors, au revoir le terme de «réfugié», bonjour celui de «nouvel arrivant».
Même chose pour le terme d’«inclusion» qui remplace celui d’«intégration». «L’inclusion, c’est vraiment faire partie dans son entièreté de la société. Alors que l’intégration a une connotation peut-être un peu plus forcée», explique Mathieu. «Il faut valoriser les nouveaux arrivants en sachant qu’ils viennent souvent de pays aux situations extrêmement compliquées. Ils font un effort énorme pour s’adapter rapidement à un nouveau pays.