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L’Europe-forteresse face aux Ukrainiens

L’Europe-forteresse face aux Ukrainiens

Le Monde 13 mars 2022

par Philippe Bernard

C ela n’a pris que quelques jours. Sous le choc de l’agression russe contre l’Ukraine, les mots pour désigner les femmes et les hommes qui fuient leur pays afin d’échapper au malheur ou à la mort ont radicalement changé. Finie « la crise des migrants », bonjour « la solidarité avec les réfugiés ».

La guerre aux portes de l’Europe a changé les manières de voir et les politiques dans bien des domaines : énergie, défense, souveraineté. Le changement de paradigme sur l’immigration, lui aussi, est spectaculaire.

Il y a longtemps déjà que les figures du « demandeur d’asile » et celle de l’« immigré », clairement distinctes du temps de la guerre froide ou des dictatures latino-américaines – le premier « politique », le second
« économique » –, s’étaient brouillées. Le rétrécissement progressif des voies légales d’immigration, la multiplication des conflits au Moyen-Orient et en Afrique ont transformé en « demandeurs d’asile » beaucoup de ceux que l’on appelait autrefois des « immigrés ».

D’où l’adoption du terme englobant de « migrants ». L’application de la convention de Genève de 1951 qui réserve le statut de réfugié à toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité (…) ou de ses opinions politiques » est devenue de plus en plus complexe, dans un contexte où oppression et misère sont souvent indissociables.

Des murs et des clôtures

L’Union européenne, prise entre sa volonté d’abattre ses frontières internes et l’exigence de chaque Etat de conserver la maîtrise souveraine de l’asile, tiraillée entre l’Est et l’Ouest et entre des histoires d’immigration différentes, n’a jamais réussi à s’accorder sur un mécanisme commun d’examen des demandes d’asile. D’où les murs, les clôtures et les politiques – sauf en Allemagne en 2015 – destinés à barrer la route aux Syriens, aux Afghans, aux Africains, à tenter de les maintenir en Turquie ou en Afrique du Nord.

Et voilà que des Ukrainiens, victimes d’une guerre d’agression comme le continent n’en a pas vu depuis 1945, ressuscitent la figure, typiquement européenne, du « réfugié » de l’après-seconde guerre mondiale, victime de la barbarie nazie ou de l’oppression soviétique. Ironie de la géographie, ils déferlent par centaines de milliers, dans les pays de l’est de l’Europe jusqu’à présent les plus hostiles à l’accueil des réfugiés venus d’Afrique ou du Moyen-Orient. Ce pied de nez de l’histoire a abouti, le 3 mars, à une décision inédite de l’Union européenne, aux conséquences potentiellement considérables.

Ce jour-là, les Vingt-Sept ont décidé d’accorder une « protection temporaire » à toute personne fuyant la guerre en Ukraine. Le droit au séjour et au travail est accordé automatiquement, sans l’examen individuel qu’exige la convention de Genève. L’Europe-forteresse ouvre soudain grand ses portes. Pour ce faire est exhumée une directive conçue à Bruxelles en 2001, au lendemain des guerres en ex-Yougoslavie, pour faire face à un « afflux massif de personnes déplacées en provenance de pays tiers ». Ce texte, jamais appliqué faute d’un vote majoritaire des Etats, a été activé, cette fois, à l’unanimité. Il prévoit non seulement des critères communs d’admission, mais aussi un système de répartition des réfugiés entre les Etats selon leur capacité d’accueil. Précisément ce que les Européens échouent à mettre en place depuis des lustres.

Ce pas inattendu vers une gestion mutualisée de l’asile en Europe ne garantit en rien un changement d’attitude des pays comme la Pologne ou la Hongrie, les plus hostiles aux migrants venus d’Afrique ou du monde arabe. Mais s’ils pensaient être à l’abri des migrations, la guerre en Ukraine les rappelle à la réalité. Et comment, eux qui vont devoir compter sur la solidarité des pays de l’ouest du continent pour l’accueil des Ukrainiens, pourraient-ils à l’avenir continuer de s’opposer à un partage de tous les réfugiés ?

Dénoncer la différence de traitement entre les Syriens et les Ukrainiens ne doit pas empêcher de saluer l’étape qui vient d’être franchie dans l’histoire européenne de l’asile. Les raisons pour lesquelles le sort des Ukrainiens émeut spécifiquement les Européens ne peuvent se résumer à une affinité de couleur de peau ou de religion. La proximité n’est pas seulement géographique. Le progrès qu’a constitué la protection internationale des réfugiés est d’abord une histoire européenne.

Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a été créé en 1950 pour donner un statut aux trente millions d’Européens déplacés à la suite du nazisme et des changements de frontière à l’est. A l’origine, la convention de Genève sur les réfugiés ne s’applique de fait qu’aux Européens. Elle ne sera étendue au reste du monde qu’en 1967, dans le contexte des conflits nés de la décolonisation.

L’application du droit d’asile n’a jamais été indifférente aux réalités géopolitiques et au contexte économique. Longtemps, en Europe, les « bons » réfugiés ont été les dissidents d’URSS et des pays de l’Est, puis les Vietnamiens et les Chiliens. Mais, depuis des lustres, l’accueil s’est mondialisé : les Syriens, les Vénézuéliens et les Afghans représentent les trois premières nationalités parmi les quelque 300 000 personnes obtenant chaque année le statut de réfugié dans l’Union (447 millions d’habitants).

Si l’émotion considérable causée par la guerre en Ukraine doit faire progresser l’Europe des migrations, c’est vers l’affirmation de l’universalité du droit d’asile. Loin de prêter à un chantage migratoire de la part de Vladimir Poutine, les réfugiés d’Ukraine peuvent contribuer à galvaniser l’Europe. La capacité de notre continent à offrir un asile à tout être humain fuyant les guerres est l’une de ses valeurs que, tragiquement, l’agression russe et la résistance des Ukrainiens remettent en lumière.

Droit d’asile

Le Monde 10 mars 2022

Claire Legros

Des travaux historiques éclairent la façon dont la mise en œuvre de cette idée, née dans sa version moderne au XVIIe siècle avec celle de la liberté de pensée, s’est souvent heurtée à la souveraineté des Etats. Ces derniers la conjuguent avec leurs intérêts géopolitiques et économiques
HISTOIRE D’UNE NOTION
êmes traits tirés, mêmes regards terrifiés d’hommes, de femmes et d’enfants fuyant la violence. Pourtant, selon qu’ils soient syriens, irakiens, afghans ou ukrainiens, les exilés ne sont pas tous traités de la même façon. Malgré l’inscription, depuis plus d’un demi-siècle, du
statut de réfugié dans le droit international, les réponses diffèrent en Europe pour protéger ceux qui en font la demande. « Les relations géopolitiques et diplomatiques sont déterminantes dans la reconnaissance du statut de réfugié », estime l’anthropologue Michel Agier, coauteur de Babels. Enquêtes sur la condition migrante (avec Stefan Le Courant, Points, 800 pages, 12,50 euros, à paraître le 1er avril).
Initialement religieux – le mot vient du grec asulon, désignant un sanctuaire –, le droit d’asile est appliqué dans les cités grecques où chacun peut se réfugier dans les lieux sacrés. Dans la pensée chrétienne occidentale, saint Augustin en élargit la protection aux criminels qui peuvent trouver refuge dans les églises. Au cours du Moyen Age, l’Etat en limite l’application et le transforme en droit séculier.
Mais c’est au XVIIe siècle que s’opère un basculement avec l’idée, théorisée par le protestant Hugo Grotius (1583-1645), que les individus ont droit à la liberté de religion et de pensée et que les Etats ont un devoir d’asile politique à l’égard des étrangers. « A partir de cette époque s’opère une distinction entre l’“exil blâmable”, dû à une condamnation judiciaire, et l’“exil misérable”, lié à une force de coercition », explique l’historienne Delphine Diaz, autrice d’En exil. Les réfugiés en Europe de la fin du XVIIIe siècle à nos jours (Folio, « Histoire », 2021). Le droit d’asile reste, pour autant, à la discrétion des Etats. Introduit dans la première Constitution française de 1793, il ne sera pas appliqué.
A partir des années 1830, la figure de l’exilé devient suspecte. A cette époque déjà, la protection est sélective : les Polonais fuyant la répression de la révolution de Varsovie par les troupes russes en 1831 sont accueillis en France « comme des frères, car ils partagent la même religion et l’idéal libéral », souligne l’historienne. Les juifs victimes de pogroms dans l’Empire russe à partir de 1881 seront suspectés d’émigrer pour des raisons économiques et non pour fuir les persécutions.
Besoin de main-d’œuvre
Après la première guerre mondiale, la dissolution des empires amplifie les phénomènes d’exode. La création, en 1921, d’un Haut-Commissariat aux réfugiés russes, premier acte d’un nouveau droit international, annonce la mise en circulation du passeport « Nansen » – du nom de l’explorateur et diplomate norvégien Fridtjof Nansen (1861-1930) –, afin de venir en aide aux exilés russes devenus apatrides. Là encore, son octroi n’est pas systématique. Elargi à d’autres nationalités comme les Arméniens, il est refusé aux exilés antifascistes italiens pour ne pas fâcher Mussolini.
Les considérations politiques se conjuguent aux intérêts économiques. Si les démocraties occidentales se montrent plutôt généreuses dans les années 1920, lorsque l’urgence de la reconstruction exige de la main- d’œuvre, elles se ferment après la crise de 1929. Les juifs et les militants antinazis qui fuient l’Allemagne, ces « sans-Etat » décrits comme des « monstres juridiques » par la philosophe Hannah Arendt (1906-1975), elle- même exilée à New York, ne sont pas les bienvenus.
Après la seconde guerre mondiale, le droit d’asile devient en France un principe constitutionnel qui concerne « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ». La création du Haut- Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, en 1950, puis l’adoption de la convention de Genève,
en 1951, fondent la protection juridique internationale du réfugié qui prévaut aujourd’hui, protégeant toute personne craignant « avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ». D’abord réservée aux Européens, elle est étendue en 1967 à tous les réfugiés, quel que soit leur pays d’origine.

Mais la convention est, « en réalité, un texte flou, et le statut de réfugié dépend de l’état des sociétés qui prennent la décision, bien plus que de la vérité intrinsèque d’un individu, de son histoire ou de sa trajectoire », estime la sociologue Karen Akoka, autrice de L’Asile et l’Exil (La Découverte, 2020). Ainsi, pendant la guerre froide, la France accorde l’asile à tous les Hongrois et les Tchécoslovaques arrivés après les invasions soviétiques de 1956 et 1968, de même qu’aux Vietnamiens dans les années 1970. En revanche, elle refuse le statut de réfugié aux Algériens menacés par le Front islamique du salut au début des années 1990, au motif que les persécutions dont ils font l’objet émanent non d’un Etat mais d’un groupe para- étatique.

« L’application de la convention de Genève s’est durcie en Europe et particulièrement en France depuis les années 1980, comme on l’a vu avec les Syriens et les Afghans », note Delphine Diaz. Dans ce contexte, le mouvement européen de solidarité pour les réfugiés ukrainiens, « si l’on peut s’en réjouir, apporte aussi la preuve qu’on sait répondre à des situations d’urgence lorsqu’on le veut », estime-t-elle.

Luxemburg bereitet sich auf massiven Flüchtlingsstrom vor

Wort online  9 März 2022
Michèle Gantenbein
Stand Mittwoch sind knapp 400 ukrainische Flüchtlinge in einer staatlichen Erstunterkunft untergekommen. 1.119 Personen haben sich laut Immigrationsminister Jean Asselborn (LSAP) bisher bei der Immigrationsbehörde gemeldet.

Luxemburg arbeitet mit Hochdruck an der Bereitstellung von Unterkünften für ukrainische Flüchtlinge. Von 800 Betten ist bereits die Hälfte belegt.

Die Vorbereitungen für die Aufnahme des erwarteten Flüchtlingsstroms aus der Ukraine laufen auf Hochtouren. Laut Außen- und Immigrationsminister Jean Asselborn (LSAP) verfügt Luxemburg im Bereich der Erstaufnahme über sieben Strukturen mit 803 Betten, von denen 378 bereits belegt sind. Unter den Geflüchteten sind 25 Kleinkinder im Alter zwischen einem und drei Jahren sowie 95 Minderjährige zwischen drei und 18 Jahren.


A woman uses a cell phone next to her child near the Slovak-Ukrainian border crossing in Vysne Nemecke, eastern Slovakia, on March 1, 2022. - Some 677,000 refugees have fled the conflict in Ukraine for safety in neighbouring countries, while around a million people are estimated to be internally displaced, the United Nations said on March 1, 2022. (Photo by PETER LAZAR / AFP)
Wie Sie den Menschen in der Ukraine helfen können

In einer Halle, die unweit der Stadt Luxemburg aufgebaut wird, werden zwischen 500 und 1.000 Personen aufgenommen werden können.

Die Flüchtlingswelle stellt die Behörden vor große Herausforderungen. „Um das zu bewältigen, müssen wir parallele Aufnahmekapazitäten und eine parallele Prozedur schaffen“, sagte Asselborn.

Um Platz zu schaffen, für die ukrainischen Flüchtlinge, sind rund 70 Asylbewerber, so genannte Dubliner, aus der Structure d’hébergement d’urgence Kirchberg (SHUK), die über 200 Betten verfügt, in die Struktur auf Findel umgezogen. Dort befinden sich nun drei Gruppen: die Dubliner, die aus der SHUK umgezogen sind, Flüchtlingsfamilien aus der Ukraine und Obdachlose, die dort übernachten und tagsüber die Struktur verlassen müssen.

Asselborn unterstrich, dass die Gruppen getrennt voneinander in verschiedenen Gebäuden untergebracht seien. Auch sei es falsch, wie am Mittwoch in einem Leserbrief im „Luxemburger Wort“ behauptet wird, dass die Flüchtlinge die Struktur tagsüber verlassen müssten. „Die Dubliner und die ukrainischen Familien können 24 Stunden am Tag und sieben Tage die Woche in der Struktur bleiben“, so der Minister.


Mit dem Bus aus Luxemburg an den Rand des Krieges

Zusammen mit den Gemeinden ist die Regierung dabei, Unterkünfte zu organisieren, in denen die Menschen längerfristig bleiben können. Kurzfristig sollen zwölf Strukturen, darunter Hotels und Kulturzentren, zur Verfügung stehen. Auch staatliche Gebäude oder Jugendherbergen sollen zur Verfügung stehen. Über die Zahl der Gemeinden und die Kapazitäten kann der Minister zum jetzigen Zeitpunkt keine Angaben machen. Das sei alles noch in der Ausarbeitung. Die Gespräche mit den Gemeinden laufen.

 

Jean Asselborn lancierte einen Appell an private Familien, die Flüchtlingstransporte organisieren wollen, sich bei der Immigrationsbehörde unter der E-Mail-Adresse transport.ukraine@mae.etat.lu zu melden. „Die Menschen sollen sie sich bei uns melden, damit wir das zusammen koordinieren“, so Asselborn. Personen, die Flüchtlinge aufnehmen wollen, sollen sich überdies bei der Hotline 621 796 780 oder auf ukraine@zesummeliewen.lu informieren, „damit die Dinge geordnet ablaufen“.

Registrierung von Flüchtlingen

Alle Personen, die aus der Ukraine ins Land kommen, müssen sich bei der Immigrationsbehörde unter immigration.desk@mae.etat.lu melden. Wer Flüchtlinge privat aufnimmt, sollte dafür sorgen, dass sie sich per E-Mail bei der Behörde melden. Nachdem die Behörde ihre Daten erfasst hat, verschickt sie eine Termineinladung. Asselborn riet davon ab, ohne Termin persönlich bei der Behörde zu erscheinen.


„Ich habe Angst aufzuwachen und wieder in Kiew zu sein“

Ukrainischen Flüchtlingen wird vorübergehender Schutz gewährt (protection temporaire). Dieser Schutz gilt für alle Menschen, die zum Zeitpunkt des Kriegsausbruchs in der Ukraine gelebt haben, also auch Nicht-Ukrainer. Der vorübergehende Schutz gilt vorerst bis zum 4. März 2023 und kann verlängert werden.

Personen, die das Statut haben, haben ein Anrecht auf Nahrung, Kleidung, Unterkunft, medizinische Versorgung und Schulmaterial. Erwachsene bekommen eine Arbeitserlaubnis und können bei der Adem eingeschrieben werden, sie können eine Ausbildung machen und Sprachkurse besuchen.

Bis Ende März soll ein „Guichet unique“ in der Hauptstadt eingerichtet werden für Flüchtlinge aus der Ukraine, wo sie alle nötigen Informationen bekommen.

« Le passeur est le symptôme de la fermeture des frontières, en aucun cas la cause des mouvements migratoires »

Le Monde 27.12

TRIBUNE  Marie Cosnay, autrice et traductrice; Raphaël Kraftt, journaliste et écrivain

Au cliché du passeur véreux profitant de la misère des gens, Marie Cosnay et Raphaël Krafft, auteurs sur les questions de la frontière et des migrations, opposent, dans une tribune au « Monde », l’éloge de figures héroïques capables de nécessaires transgressions et de professionnels indispensables exerçant un métier dangereux.

Comment quitter Alep assiégée, traverser la Manche, franchir les murs toujours plus hauts de la forteresse Europe, sinon à l’aide d’un passeur ? C’est souvent l’échec, voire la mort pour qui voudrait s’en affranchir. Yaya Karamoko, le 22 mai 2021, Abdoulaye Koulibaly le 8 août ou encore Sohaïbo Billa se seraient-ils noyés dans la Bidassoa s’ils avaient pu dépenser les cinquante euros demandés par les passeurs pour franchir la frontière franco-espagnole ?
Depuis la fermeture des frontières dans les années 1980 et la réduction drastique des attributions de visa, celles et ceux qui fuient leur pays n’ont d’autres possibilités que de louer les services de personnes pour entreprendre ces voyages longs et périlleux.

Le passeur est le symptôme de la fermeture des frontières, en aucun cas la cause des mouvements migratoires. Malgré cette équation largement documentée, les dirigeants politiques européens continuent d’imputer les morts aux frontières aux passeurs, avec l’assentiment de tous.
La figure du passeur véreux profitant de la misère des gens est communément admise jusque parmi les plus fervents tenants de l’accueil. Ne trouve grâce aux yeux de ces derniers que celui qui ferait ça gratuitement. C’est oublier que le métier est dangereux dans un environnement hostile, que les peines encourues peuvent être lourdes. Le passeur philanthrope ne suffirait à répondre à la demande de passage toujours plus grande à mesure que se multiplient les obstacles et se durcissent les contrôles.
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Le passeur connaît les lieux. Il est des deux mondes, il est entre les deux mondes. Etre des deux mondes signifie qu’on est capable de transgression. Au Pays basque, le contrebandier était aimé de sa communauté, il assurait le lien entre les vallées du pays divisé. Pourvoyeur de denrées et de nouvelles, il était une figure positive, quasi héroïque, capable de désobéissance aux règles commerciales du moment. « Poète en son genre » ; disait Dostoïevski. Capable aussi, au moment où il s’agit de faire des choix, d’en faire de courageux. C’est ce qu’ont fait des passeurs célèbres localement durant la seconde guerre mondiale, dont on honore aujourd’hui la mémoire, Charlot Blanchi d’Angeltou à Saint-Martin-Vésubie, Paul Barberan à l’Hospitalet-près-l’Andorre, Florentino Goikoetxea au Pays basque.
Les contrebandiers
Les services secrets britanniques, américains et de la France libre ne s’y sont pas trompés : c’est vers les contrebandiers qu’ils se sont tournés pour organiser les passages à travers les Pyrénées, de leurs agents. Alejandro Elizalde, par le rocher des Perdrix, conduit de France en Espagne les tout premiers aviateurs du réseau Comète, la nuit du 24 au 25 juillet 1941. Elizalde connaît la montagne, il prend des risques, il est payé pour ça. Ce sont des risques qu’il prend, d’ailleurs, jusqu’au bout : arrêté fin 1941, il mourra à son retour des camps, en 1945.
Le passage est une activité concurrentielle, qui implique une obligation de résultat et l’entretien d’une réputation. Le prix varie selon la dangerosité de la route et la qualité de la prestation. Au plus fort de ladite récente « crise migratoire », l’université de Harvard s’est intéressée à la qualité de la prestation des passeurs sur la route des Balkans. Interrogée à ce sujet, la clientèle, majoritairement syrienne, s’était révélée satisfaite à plus de 75 %. « Guides, sauveurs, alliés » sont les termes le plus souvent utilisés par les migrants pour qualifier leurs passeurs.
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Le passeur basque expert des années 1940 doit satisfaire à la demande sans chercher d’autres moyens de subsistance. Si on lit, dans les hommages posthumes, que l’argent n’était pas sa motivation, personne ne dit que Florentino Goikoetxea, qui reçut la Légion d’honneur en 1962, vivait d’amour, d’idées et d’eau fraîche. C’est pour gagner de l’argent qu’il avait l’habitude de se tenir aux marges, avant la guerre. Ce que les commentaires signifient, c’est qu’il a su, dans ces marges, évoluer d’une manière raisonnable. Il y a une « raison de la marge », une morale de la transgression.
Politiques de criminalisation
Ce sont les politiques de criminalisation du passage imposées par l’Union européenne (UE) qui ont transformé une économie artisanale en une entreprise criminelle. Dans l’archipel tunisien des Kerkennah, les pêcheurs, connaisseurs de la mer et familiers du détroit de Sicile, ont laissé la place aux escrocs après que l’Etat tunisien, encouragé et financé par l’Union européenne, eut multiplié les mesures coercitives. Au Niger, les parlementaires ont été incités par l’UE à voter une loi criminalisant les transporteurs transsahariens, obligeant l’emprunt de pistes toujours plus dangereuses à un prix toujours plus élevé. Au large de la Libye, c’est lorsque l’opération de sauvetage Mare Nostrum se mue en dispositif de lutte contre les passeurs que les bateaux en dur sont retirés au profit des embarcations pneumatiques surchargées.
Quand les frontières maritimes, extérieures, entre un monde et un autre, sont à ce point creusées qu’elles font de quelques centaines de milles dans l’océan Atlantique ou la mer Méditerranée de véritables charniers, il s’agit pour les passeurs de transgresser les interdits d’une façon radicale. La morale n’a alors plus rien à faire dans l’histoire. Plus les mondes sont divisés et interdits l’un à l’autre, plus il est compliqué d’être de l’entre-deux.
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Qui sont ces 1 500 passeurs que le ministre français de l’intérieur se targue d’avoir fait arrêter en 2020 dans le Calaisis ? Des migrants eux-mêmes, roturiers de leur propre traversée à l’image des héros d’Un sac de billes, Maurice et Joseph Joffo, qui organisent quelques passages à travers la ligne de démarcation pour financer la poursuite de leur voyage en zone libre. Aujourd’hui, ils ferment les portes des camions sur les parkings de l’autoroute, font le guet sur la plage ou appâtent les clients.
Désigner le passeur comme mauvais objet absolu, comme cause de la mort de masse aux frontières européennes, extérieures et intérieures, sert aux gouvernements à se dédouaner de sa politique criminelle. La critique unanime témoigne d’un impensé commun : le passeur franchit l’infranchissable. On fait ainsi de la ligne frontière un enjeu considérable, un tabou. La sacraliser pèse sur tout le monde.
Serait-ce que le passeur, celui qui veille, tant bien que mal, sur les espaces d’entre-deux, respecterait plus le rêve de circulation, à l’intérieur de l’Union européenne, que l’Union européenne elle-même ?

Notre humanité sombre en Manche

Notre humanité sombre en Manche

Christine Pedotti   Témoignage chrétien  2 décembre 2021

Le drame de la noyade de vingt-sept personnes, femmes, hommes et enfants entre les côtes française et anglaise nous donne envie de pleurer. Nous savions pourtant que cela allait arriver ; nous savons que cela arrivera de nouveau. Nous savons aussi que les conditions de survie à proximité des lieux d’embarquement sont épouvantables et inhumaines. Et pourtant, à part pleurer, crier, nous indigner, nous ne savons pas ce qu’il faut faire.

Nous nous sommes fait récemment l’écho dans nos colonnes des trois personnes qui étaient en grève de la faim pour protester contre les exactions des forces publiques françaises qui détruisent les campements de fortune. Mais nous savons aussi que la constitution de camps assurant des conditions de vie moins inhumaines aux abords d’une mer que les autorités de part et d’autre veulent maintenir aussi infranchissable qu’un mur n’est pas une solution non plus… Nous avons également compris que les accords du Touquet, qui déplacent la frontière britannique sur la côte française, aggravent l’impasse dans laquelle nous sommes. Et nous voyons bien que Boris Johnson profite allégrement de la situation pour asseoir la légitimité d’un Brexit qui commence à coûter très cher à ses concitoyens. Nos cris, notre indignation s’opposent en vain au cynisme politique, qui s’appuie des opinions publiques qui partout en Europe redoutent l’afflux de populations réputées inassimilables et nourrissent des fantasmes de remplacement et de destruction de notre modèle culturel.

Et puis, il y a Maryam, une jeune femme kurde de 24 ans qui voulait rejoindre son fiancé, résident légal au Royaume-Uni. Sur les photos qu’elle a postées sur les réseaux sociaux avant son départ, elle est belle comme un soleil, resplendissante de bonheur et d’espoir. Elle croit qu’elle a la vie devant elle. Sauf que le Royaume-Uni a fermé sa frontière ; bien qu’elle ait un visa italien, elle ne peut traverser. L’amour fait des miracles, croit-elle, et, par un jour sombre de novembre, sans crainte, elle embarque sur un frêle esquif et prévient son amoureux qu’elle arrive. La Manche sera son tombeau ; une histoire belle et tragique comme un livret d’opéra.

Combien faudra-t-il de Maryam pour provoquer un sursaut d’humanité ?

L’exception luxembourgeoise

Au Grand-Duché, selon les chiffres de l’OCDE,
la population est constituée pour 48 pour
cent de personnes nées à l’étranger (dont un
quart au Portugal). Leur nombre a connu une
augmentation de 53 pour cent en dix ans. Leur
contribution budgétaire a atteint le niveau
exceptionnel de 7,64 pour cent du PIB, cinq fois
plus que la moyenne de l’OCDE sur la période
2006-2018. Le pays classé deuxième, l’Australie,
n’affiche que 3,46 pour cent. Le Luxembourg
est aussi le seul pays (sur 25) où la contribution
des immigrés est supérieure à celle des natifs
(4,47 pour cent seulement). Après affectation
des coûts indirects, la contribution reste positive
de 2,81 pour cent (meilleur chiffre des 25 pays
étudiés) alors que celle des natifs est négative de
3,92 pour cent. Comme ses voisins les Pays-Bas
et la Belgique, le Luxembourg n’a enregistré
qu’une baisse relativement modeste des entrées
permanentes en 2020 (-15,5 pour cent). Il a
accueilli 19 100 personnes contre 22 600 en 2019,
année record, et retrouve le niveau de 2014. gc

Letzebuergr Land 11.11. 2021

„Alles ist möglich“

Der Karatekämpfer Muhannad Al-Ali flüchtete aus Syrien und will Luxemburg international vertreten

tageblatt 6. November 2021

Claude Molinaro

 

Aus einem mittellosen Flüchtling, der im September 2015 im Hauptbahnhof eintraf, ist ein luxemburgischer Staatsbürger mit einem Bachelor-Abschluss der hiesigen Uni geworden. Nun träumt Muhannad Al-Ali davon, auf sportlicher Ebene internationale Erfolge für Luxemburg zu erringen.

„Dieses Mal haben wir ihn noch laufen gelassen, das nächste Mal bringen wir ihn um“ – ein Satz, der Muhannad Al-Alis Leben veränderte. Sicherheitsbeamte des syrischen Präsidenten Assad hatten ihn für vier Stunden festgehalten, als Warnung für seinen Vater, der sich gegen das Regime entschieden hatte. Nach Erhalt der Botschaft reagierte der Vater, Ahmed Jamil Al-Ali, sofort, und schickte seinen ältesten Sohn ins Ausland, in den Libanon.

Muhannad Al-Ali wurde 1995 in Al-Raqqah, einer Kleinstadt im Norden Syriens, 160 Kilometer östlich von Aleppo, als der Älteste von fünf Geschwistern geboren. Seine Kindheit und Jugend verbrachte er in der Hauptstadt Damaskus. Der Kampfsport wurde Muhannad buchstäblich in die Wiege gelegt, da sein Vater, der u.a. Karate-Nationaltrainer der syrischen Armee war, ihn von früh auf trainierte. Stolz zeigt er ein Foto, auf dem er als Kleinkind zu sehen ist, das einen Karateschlag vorführt.

Durch die Stellung des Vaters führte die Familie das angenehme Leben der gehobenen Mittelschicht. Der Junge besuchte ein klassisches Lyzeum, wo er etwas Französisch und Englisch erlernte, was sich später als nützlich erweisen sollte. Das sorgenfreie Leben sollte jedoch ein Ende haben, als sich sein Vater kritisch gegenüber dem Assad-Regime äußerte.

Frühe Erfolge

Sehr früh errang Muhannad nationale und internationale Erfolge. Kurz nach seiner Rückkehr von der  Juniorenweltmeisterschaft aus Russland habe sein Vater die ersten Drohungen bekommen. Der erste konkretere Einschüchterungsversuch des Regimes sollte nicht lange auf sich warten lassen. „Ich studierte erst eine Woche an der Universität, als ich auf dem Nachhauseweg von Sicherheitsbeamten abgefangen wurde. Sie stoppten das Taxi, in dem ich saß, kontrollierten meine Papiere und befahlen mir, mit ihnen zu gehen. Da sie keine Uniformen trugen, wusste ich nicht sofort, was los war. ‚Warum?’, wollte ich wissen. ‚Stellen Sie keine Fragen’, lautete die kurze Antwort. Es kam zu einer kurzen Rangelei. Ich bekam einen leichten Schlag und wehrte mich. Der Beamte zuckte seine Kalaschnikow und machte mir klar, ich solle ruhig sein. Später stellte sich heraus, es war nicht der Geheimdienst oder die Polizei, sondern der Dienst, der für die persönliche Sicherheit des Präsidenten verantwortlich ist.“

Vier Stunden sei er festgehalten worden, getan habe man ihm nichts. „Es war eine Botschaft an meinen Vater: Sie wollten ihm Angst machen.“ Dann folgte der Anruf, der das Leben der Familie veränderte: dass Muhannad das nächste Mal getötet werde.

Der Vater reagierte sofort und schickte seinen Sohn nach Beirut. Drei Wochen lebte dieser dort allein, dann folgte ihm sein Vater, der Rest der Familie flüchtete vorerst zu der Familie der Mutter in Syrien. Wenig später fuhr der Vater mit dem Auto zurück, um auch sie herauszuholen. Doch lange sollte der Aufenthalt in Beirut nicht dauern. Nach vier Monaten erhielt der Vater einen Anruf eines Freundes aus der Heimat: „Du musst fliehen. Jetzt. Es sind Leute unterwegs, um dich und deine Familie zu töten.“

Sofort nach dem Anruf hat er die Flucht in die Türkei organisiert, noch in derselben Nacht brachen sie auf. Das sei Ende 2013 oder Anfang 2014 gewesen, an das genaue Datum kann sich Muhannad nicht mehr erinnern. „Mir war klar: Solange Assad an der Macht ist, werde ich Syrien nicht wiedersehen.“

Von Istanbul ging es weiter nach Sanliurfa, im äußersten Süden der Türkei, wo ein Cousin des Vaters wohnt. Die Flucht von Ahmed Jamil Al-Ali hatte in der arabischen Welt für einiges Aufsehen gesorgt. Am 21. Juni 2013 gab dieser ein Interview im TV-Sender Al Jazeera. In der Türkei baute er ein Karateteam des „freien“ Syriens auf. Mit diesem nahm Muhannad 2014 an der Shotokan-Weltmeisterschaft im Kosovo teil, die er in seiner Kategorie gewinnen konnte. Nach seinem Sieg präsentierte er sich mit der Flagge der syrischen Opposition.

Muhannad Al-Ali zeigt die Flagge der syrischen Opposition bei der Weltmeisterschaft 2014 in Pristina, Kosovo

In der neuen Heimat Türkei lief zunächst alles gut. Er wollte studieren, doch die Universität in Ankara habe plötzlich eine hohe „Einschreibegebühr“ verlangt. Da habe er beschlossen, sein Glück in Europa zu suchen. Er hätte es ohne Weiteres auf einem anderen Weg schaffen können, doch dann, am 3. September 2015, ging ein Bild um die Welt, das schockierte: das Foto des dreijährigen Alan Kurdi, der tot an einem türkischen Strand lag. Muhannad und sein Bruder Mohammad wollten herausfinden, was die zahllosen Bootflüchtlinge erlebten.

Balkanroute nach Luxemburg

Irgendwann im Sommer 2015 verließen die Brüder die Türkei. Das Endziel: Luxemburg. Als Sportler hatten sie Leute von luxemburgischen Klubs kennengelernt, die ihnen vorgeschlagen hatten, hierherzukommen. Die erste Etappe war die Fahrt über das Meer zu der griechischen Insel Leros, 20 Meilen vor der türkischen Küste. Für die eineinhalb Stunden Fahrt in einem Schlauchboot zahlten die zwei Brüder den Schleppern 1.500 Dollar pro Kopf. Nach 1,5 Stunden erreichten sie Leros, von wo aus sie eine Überfahrt auf einer Fähre nach Athen buchten. Von dort ging es weiter über Mazedonien, Serbien, Ungarn, Österreich und Deutschland nach Luxemburg. Ab Budapest fuhren sie fast nur noch mit dem Zug. Rund zehn Tage dauerte die Reise auf der sogenannten „Balkanroute“.

An den Tag der Ankunft in Luxemburg erinnert sich Muhannad sehr gut: „Es war am 13. September 2015. Ich hatte das Gefühl, wieder atmen zu können, als mein Bruder und ich im Bahnhof ankamen.“ Sie gingen sofort zur Bahnhofspolizei, wo sie um politisches Asyl baten. Auch an die ersten Worte, die er zu den Polizisten gesagt hat, kann er sich erinnern: „Hello, I speak a little english and very little french, I want to be a refugee in Luxembourg.“

Man schickte sie ins Don-Bosco-Heim auf Limpertsberg, unweit des dortigen Uni-Campus. Nach zwei Wochen mussten sie ins Flüchtlingsheim nach Burscheid umziehen. Dort musste er sich mit seinem Bruder ein sehr kleines Zimmer teilen. Doch vor allem nahm der Weg nach Differdingen zum Karatetraining zu Fuß und mit dem öffentlichen Transport jedes Mal drei Stunden hin und drei Stunden zurück in Anspruch.

Während seiner Zeit in Burscheid lernte er u.a. Yves Schmidt, Mitglied des Direktionskomitees der Caritas, kennen. Dieser beschreibt Muhannad als einen sehr dynamischen Menschen: „Er weiß, was er will, er wartet nicht, bis jemand etwas für ihn tut, sondern tut es so weit wie möglich selbst.“ Schmidt bezeichnet seinen Schützling als sehr lebensfroh, weltoffen und an vielem interessiert. Den Kopf hängen zu lassen, sei alles andere als seine Art. „Er hat es u.a. geschafft, in kürzester Zeit Luxemburgisch und Deutsch zu lernen. Manchmal sage ich zu ihm, er soll nicht zu viel tun“, sagt Schmidt lachend.

Hin und wieder arbeitet Muhannad für die Caritas, u.a. gibt er Flüchtlingskindern Nachhilfe in Mathematik und Physik und hilft anderen Asylbewerbern bei Übersetzungen und Behördengängen. Und er entdeckt in Luxemburg eine andere Leidenschaft: das Unterrichten. In Burscheid lernt er eine Person kennen, die er selbst als „seinen Engel“ bezeichnet: Als er vor Verzweiflung und Perspektivlosigkeit Luxemburg verlassen will, kontaktiert ihn Eryn Zander, die Gründerin von Sportunity (siehe auch unseren Artikel vom 16.10.2021), die Sportler für ihre Organisation suchte. Seitdem gibt er regelmäßig gratis Karatetraining bei der Vereinigung. „Er ist ein Beispiel für andere Asylsuchende und zeigt, dass alles möglich ist“, sagt Zander.

Höhen und Tiefen

Doch mit seiner Flucht nach Luxemburg wurde seine Sportlerkarriere erst einmal ausgebremst. Es gab auch positive Erinnerungen: 2016 trat er mit seinem Bruder bei der Weltmeisterschaft in Linz u.a. für ein Flüchtlingsteam an. Auf der Webseite des Karate-Dachverbands WUKO wird er mit folgenden Worten zitiert: „Für uns ist Karate die einzige Möglichkeit zu kämpfen, die einzige Möglichkeit, unserer Situation zu entkommen. (…) Vielleicht haben wir verloren, vielleicht haben wir gewonnen, das ist nicht wichtig. Was zählt, ist, dass wir hier sind.“

Doch er erzählt auch von Benachteiligungen bei Turnieren, wo er trotz Überlegenheit nicht gewinnen „durfte“. Als Beweis zeigt er auf seinem Handy das Video einer seiner Kämpfe. „Ein belgischer Schiedsrichter war nicht mit den Entscheidungen seiner Kollegen einverstanden und hat protestiert. Er kam zu mir und sagte: ,You are a champion, there will be a time you will prove that.’“

Auch menschlich hat es einige Enttäuschungen gegeben, da er nicht immer die Hilfe erhielt, die ihm versprochen worden war. Im September wurden er und sein Bruder für kurze Zeit obdachlos: Sie wollten nicht mehr in Burscheid bleiben, u.a. wegen des langen Weges zum Training ins Zentrum. Sein Bruder kam bei Freunden unter, er selbst im „Centre de primo-accueil“ in der Luxexpo The Box. Später bekamen sie von der Gemeinde Differdingen eine Notunterkunft in Lasauvage, nachher eine Wohnung in Differdingen.

Mittlerweile hat sich das Blatt für Muhannad Al-Ali gewendet. 2017 fing er mit seinem Studium-Bachelor IT in Belval an, 2020 erhielt er sein Diplom und hat nun auch beruflich ein konkretes Ziel: sein eigenes IT-Unternehmen zu gründen.

Außerdem hat er einen neuen Verein gefunden. Da er vor ein paar Monaten die luxemburgische Staatsbürgerschaft erhalten hat, ist es nun sein großer Wunsch, Luxemburg bei internationalen Wettkämpfen zu vertreten. „Ich muss es jetzt tun. Da ich schon 26 Jahre alt bin, kann ich nicht mehr lange warten.“

Sein Ziel, Luxemburg im kommenden Mai bei den Europameisterschaften in der Türkei zu vertreten, ist in greifbare Nähe gerückt: Am Mittwochabend nahm er an seinem ersten Training mit der Nationalmannschaft teil. Und die Aussichten sind gut: „Wir sind sehr optimistisch“, sagt Ulrich Nelting, der Sprecher des Karateverbandes, dem Tageblatt gegenüber.

Das Diplom von Muhannad Al-Ali, der 2014 Shotokan-Weltmeister wurde Foto: Muhannad Al-Ali

Ausbaufähige Integration

Ausbaufähige Integration

ANNETTE WELSCH – LUXEMBURGER WORT 25. August 2021  Editorial

Es sind Bilder einer furchtbaren Verzweiflung, die den Westen erreichen, wenn Menschen sich an Flugzeuge klammern, um Afghanistan noch rechtzeitig verlassen zu können. Menschen, die sich trotz 20 Jahren Krieg und vieler Fehler der westlichen Alliierten die Hoffnung machten, in Freiheit, Würde und Gleichheit, mit Bildung und Chancen ein akzeptables Leben in ihrem Land führen zu können. Sie flüchten vor der Taliban-Diktatur und ihrer strengen Scharia, vor einem drohenden Bürgerkrieg, aber auch vor einer schweren Dürre und Hungersnot.

(…)

Afghanistan : éviter une nouvelle crise de l’asile

« Afghanistan : éviter une nouvelle crise de l’asile », par François Gemenne

TRIBUNE. « Abasourdi » par les propos d’Emmanuel Macron, le spécialiste des migrations estime qu’il est urgent d’organiser l’exil de ceux qui fuiront le régime des talibans.

Par François Gemenne (chercheur)

Des personnes évacuées d’Afghanistan arrivent à Melsbroek, en Belgique. (ISOPIX/SIPA)
Des personnes évacuées d’Afghanistan arrivent à Melsbroek, en Belgique. (ISOPIX/SIPA)

A l’heure actuelle, il est encore difficile de dire combien d’Afghans et d’Afghanes voudront fuir le régime des Talibans – et surtout combien d’entre eux les Talibans laisseront quitter le pays. Certains, dans les cercles européens, évoquent le chiffre d’un demi-million. Et déjà, on sent les dirigeants européens tétanisés par le spectre d’une nouvelle crise de l’asile, semblable à celle des réfugiés syriens, entre 2014 et 2016.

Les terribles images de chaos à l’aéroport de Kaboul rappellent à quel point la fuite du pays est souvent une question de vie ou de mort : certains ont désespérément tenté de s’accrocher à des avions qui décollaient, tandis que d’autres ont confié leur enfant à des soldats américains pour qu’ils les emmènent hors du pays. Vu d’Europe, il est difficile d’imaginer le désespoir et la peur qui poussent certains à laisser leur vie ou leur enfant dans l’espoir d’un exil.

Dans ce contexte, l’allocution du président de la République du 16 août dernier a beaucoup choqué, en France comme à l’étranger. Comme beaucoup, j’ai été abasourdi d’entendre Emmanuel Macron utiliser – à deux reprises – les termes de « flux migratoires irréguliers » pour qualifier l’exil de celles et ceux qui voulaient échapper au régime des Talibans. J’ai été honteux de l’entendre employer le verbe « protéger » dans sa forme réflexive, comme si c’étaient les Français qui étaient en danger, et non les Afghans.

L’Europe n’a-t-elle rien appris de la crise de 2015 ?

Si l’asile reste à ce point associé à un risque de déstabilisation, ce n’est pas seulement parce que le président espère ainsi flatter un certain électorat : c’est aussi parce que l’Europe n’a rien appris de la crise de l’asile qui l’a déchirée il y a six ans, et qui a laissé des milliers de réfugiés syriens périr en mer, et des millions d’autres aux portes de l’Europe. Il existe pourtant des moyens qu’il est possible de mobiliser pour organiser l’asile, et pour protéger le plus grand nombre possible de celles et ceux qui veulent quitter l’Afghanistan.

La priorité est évidemment d’évacuer un maximum de personnes, et en priorité celles et ceux dont la vie est la plus directement menacée, tant que cela est encore possible. Le personnel de l’ambassade de France à Kaboul, sous la houlette de l’ambassadeur Martinon, s’y emploie activement, avec une détermination qui confine souvent à l’héroïsme. Mais la coordination internationale fait défaut, et des avions décollent encore avec des sièges vides, alors que des milliers de personnes s’entassent à l’aéroport dans l’espoir de pouvoir décoller. Une meilleure coordination des listes de personnes à évacuer entre pays occidentaux permettrait de remplir les avions au maximum, et d’accélérer les opérations d’évacuation. Le temps est compté.

Dans un deuxième temps, il importera d’organiser l’exil de celles et ceux qui voudront fuir le régime. On pourra donner raison au président lorsqu’il déclare que « l’Europe ne peut pas, à elle seule, assumer les conséquences de la situation actuelle ». Mais si l’Europe ne prend pas sa part à l’organisation de l’asile, alors ce sont les passeurs qui s’en chargeront. Plusieurs moyens peuvent être mobilisés pour cela : la directive européenne sur la protection temporaire doit être activée immédiatement, pour protéger sans attendre les Afghans menacés. Un programme de visas humanitaires peut être déployé pour accueillir ceux qui ont accès à une ambassade, notamment dans les pays voisins. Une initiative européenne ou internationale peut être mise en place pour répartir les réfugiés afghans dans différents pays et organiser un programme de relocalisation : la Canada ou le Royaume-Uni ont déjà annoncé qu’ils étaient prêts à accueillir un certain quota de réfugiés. Il importe d’organiser dès maintenant des voies légales et sécurisées pour l’accueil des Afghans qui voudront fuir le régime, avant qu’ils ne se jettent eux-mêmes sur les routes de l’exil. L’Europe peut prendre l’initiative d’une telle organisation : si elle ne le fait pas, c’est alors qu’elle risque de se retrouver avec une situation dramatique à ses frontières, avec son lot de drames et d’insécurité.

Ne pas fermer les yeux sur ce qui se passe à Calais

Mais le débat ne peut se cantonner à ceux qui sont toujours en Afghanistan, et doit s’élargir aux exilés qui se trouvent déjà sur le territoire français : nous ne pouvons pas regarder uniquement vers Kaboul en fermant les yeux sur la situation à Calais ou aux portes de Paris. En 2020 déjà, l’Afghanistan était le premier pays d’origine des demandeurs d’asile en France. Il y a urgence à faciliter et à accélérer le regroupement familial des réfugiés afghans en France, et dont la famille se trouve encore en Afghanistan. Les « dublinés » afghans ne peuvent plus être reconduits dans des pays qui pratiquent encore des expulsions vers l’Afghanistan. Il importe de trouver également des solutions de protection pour ceux qui ont été déboutés du droit d’asile au cours des dernières années. Enfin, un accord doit être trouvé avec le Royaume-Uni pour qu’il accepte d’accueillir ceux qui ont fui avant la prise de pouvoir par les Talibans, et qui attendent désespérément de pouvoir passer en Angleterre : il serait incompréhensible que le Royaume-Uni accepte d’accueillir ceux qui viennent directement de Kaboul, mais refuse ceux qui sont à Calais depuis des mois et des années. Les Afghans qui se trouvent sur notre territoire doivent être protégés et accueillis : leurs tentes sont encore régulièrement lacérées, leurs camps de fortune régulièrement démantelés.

Fondamentalement, il importe de réaffirmer le caractère inconditionnel de l’asile. En France, on voit déjà se développer une rhétorique selon laquelle seuls mériteraient d’être protégés les Afghans qui appartiennent à l’élite intellectuelle du pays – journalistes, artistes, activistes… – tandis que les autres, moins privilégiés, devraient être considérés comme des migrants économiques. Déjà, le directeur général de l’Office français de l’Immigration et de l’Intégration (Ofii) se désole dans la presse que les réfugiés que la France accueillera n’appartiendront pas à l’élite afghane. Protéger, ce n’est pas choisir. Le droit d’asile ne s’applique pas en fonction des classes sociales, et jamais ceux dont la vie est menacée ne constitueront des « flux migratoires irréguliers ». Il ne s’agit pas de protéger uniquement l’élite intellectuelle ou ceux qui ont collaboré avec la France – même si ce sont évidemment ceux-là qui sont les plus menacés actuellement – et de laisser les autres vivre sous le joug des Talibans. Il n’y a pas de « bons » et de « mauvais » réfugiés.

J’ai bien conscience qu’il est plus facile d’écrire ceci dans une tribune de presse que de le mettre en application sur le terrain. J’ai bien conscience des difficultés et de la complexité à organiser l’exil et l’accueil de celles et ceux qui fuiront le joug des Talibans. Pourtant, il en va non seulement de la responsabilité de l’Europe vis-à-vis de celles et ceux qui sont en danger, mais aussi de son intérêt. Nous pouvons encore éviter une nouvelle crise de l’asile.

François Gemenne, bio express

François Gemenne est chercheur du FNRS à l’Université de Liège, où il dirige l’Observatoire Hugo. Spécialiste de la gouvernance des migrations et du climat, il enseigne également à Sciences Po et coordonne le projet de recherche européen MAGYC, consacré à la crise de l’asile. Il a récemment publié « On a tous un ami noir. Pour en finir avec les polémiques stériles sur les migrations », aux éditions Fayard.