des réformettes dépourvues de réelle plus-value
Prise de position de l’ASTI concernant le Projet de loi 8227
La Chambre des Députés s’apprête à voter le projet de loi 8227, qui apporte des modifications ponctuelles au Code du travail, à la loi sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ainsi qu’à la loi relative à l’accueil des demandeurs de protection internationale et de protection temporaire.
Pour l’ASTI, il est tout d’abord regrettable que le Gouvernement ait attendu la fin de la législature pour procéder à des modifications législatives, qui, pour certaines, avaient été avancées par le biais de propositions concrètes depuis des années par les organisations de la société civile, notamment l’ASTI et le Lëtzebuerger Flüchtlingsrot (LFR).
S’il est clair qu’il y a des avancées à travers certaines dispositions, celles-ci sont timides et limitées. L’ASTI note, comme le fait le Conseil d’État dans son avis, que « (…) bon nombre des modifications proposées sont dépourvues de réelle plus-value et sont dès lors inutiles. »[1].
Sanctionner au lieu de régulariser : le monde à l’envers
Les modifications du Code du Travail proposées par le Gouvernement augmentent et élargissent les sanctions envers les employeurs de ressortissants de pays tiers en situation administrative irrégulière. L’ASTI s’étonne que l’exécutif n’ait pas eu l’idée de résoudre le problème en régularisant la situation des personnes qui sont déjà présentes sur le territoire luxembourgeois. Cela dit, il est évident que les employeurs qui emploient au noir pour en tirer profit, doivent être sanctionnés. En 2013, lors de la transposition d’un texte législatif européen qui augmentait les sanctions pour les employeurs, le Gouvernement avait ouvert une procédure de régularisation (d’ailleurs la dernière en date), de façon à remettre les compteurs à zéro. Cette fois-ci, les personnes directement concernées, souvent en situation d’exploitation, sont oubliées. Sanctionner davantage sans régulariser, signifiera pour beaucoup de travailleurs et pour leurs familles encore plus de précarisation et d’exclusion. Il est difficile de voir ici une politique « très bienveillante et généreuse »[2], dont le Ministère de l’Immigration et de l’Asile se vante.
Toujours concernant les modifications du Code du Travail, certaines procédures que les employeurs doivent obligatoirement entreprendre auprès de l’ADEM sont allégées et les délais raccourcis.
Pour l’ASTI il est temps d’aller plus loin et de mettre fin à la préférence communautaire purement et simplement, ainsi que d’abolir le test du marché du travail pour tous les ressortissants de pays tiers, comme c’est déjà le cas pour les travailleurs hautement qualifiés.
L’immigration au service de l’économie et rien de plus
Le projet de loi propose de modifier aussi la loi sur la libre circulation et l’immigration, notamment en ouvrant le marché de l’emploi pour les membres de famille, ressortissants de pays tiers, détenteurs d’un permis de séjour luxembourgeois au titre du regroupement familial, dès leur arrivée au Luxembourg. L’ASTI se réjouit de cette ouverture qui n’est que la fin d’une disposition ultra-protectionniste incompréhensible. Toute autorisation de séjour doit valoir autorisation de travail !
Cette modification plus importante et d’autres plus ponctuelles sont justifiées par le Gouvernement par la pénurie de travailleurs dans bon nombre de secteurs de l’économie. Il n’est pas surprenant que la logique simplement utilitariste de l’immigration soit le credo de ce Gouvernement. Tel qu’il peut se lire dans l’accord de coalition signé en 2018, « L’immigration doit continuer à servir les intérêts économiques nationaux en répondant notamment aux besoins du marché de l’emploi et en permettant d’attirer des talents à des fins de recherche et d’études. ». Si la formulation a le « mérite » d’être claire, elle a le défaut d’être trop pauvre pour un pays qui se veut champion des Droits Humains.
Ainsi, même à la lumière de cette logique utilitariste, il est difficile d’accepter une quelconque argumentation contre une procédure de régularisation des personnes déjà présentes sur le territoire : elles sont déjà là et notre économie en a besoin !
Le texte qui sera voté ce mercredi à la Chambre entend profiter de l’occasion pour modifier la loi relative à l’accueil des demandeurs de protection internationale (DPI) et de protection temporaire. Encore une fois, des avancées trop timides et sans réel impact dans la volonté affichée du Gouvernement « d’autonomiser et de responsabiliser davantage les demandeurs de protection internationale ». L’exemple le plus parlant est la suppression du test du marché lors d’une demande en obtention d’une autorisation d’occupation temporaire (AOT) qui est, certes, un pas dans la bonne direction. Cependant, la possibilité de travailler, pour les personnes en question, reste conditionnée à une autorisation qui ne peut être demandée qu’après 6 mois de procédure sans réponse, à l’accord de deux administrations et à une démarche à faire par le potentiel employeur et non pas par le demandeur lui-même. Comme le défend le LFR, l’ASTI prône un accès immédiat des DPI au marché du travail, dès l’introduction de la demande, et sans autre condition.
Le vote de ce projet de loi est emblématique de ce que fut l’évolution de la législation en matière d’immigration et d’asile pendant cette législature : des réformettes dépourvues de réelle plus-value.
Luxembourg, le 18 juillet 2023