En matière de migration, l’Europe trouve un compromis entre la lâcheté et la xénophobie
A quelques jours de la sortie de son dernier ouvrage, « On a tous un ami noir », qui traite de la migration, François Gemenne a une position très critique vis-à-vis du pacte migratoire de l’UE. « Quand on écoute Ursula Von Der Leyen parler du pacte sur la migration, on a l’impression d’entendre une vendeuse de voitures d’occasion qui essaie de faire passer pour neuve une voiture qui est en panne depuis 20 ans. On vit dans une Europe qui va de plus en plus vers l’idée d’une Europe forteresse, qui essaie de réserver un espace de paix et de prospérité à ceux qui sont à l’intérieur. La frontière aujourd’hui permet surtout de rassurer les gens, de leur dire qu’ils sont du bon côté, en excluant ceux qui sont dehors, presque comme s’ils étaient déjà en dehors de l’humanité. »
François Gemenne : « En matière de migration, l’Europe trouve un compromis entre la lâcheté et la xénophobie »
Aligner les pays européens
« On ne parvient pas à trouver un accord entre les 27 pays européens pour avoir une vraie politique d’asile et des migrations commune. » En témoigne d’ailleurs la position de la Hongrie. « On a tellement bien discuté avec Viktor Orban qu’on lui a laissé directement écrire le nouveau pacte. Autant la Commission Junker proposait des choses qui me semblaient aller dans le bon sens, mais qui se heurtaient systématiquement aux refus des états membres. Autant, ici, on a l’impression d’une capitulation en rase campagne de la Commission qui dit à Orban : puisque de toute façon vous allez rejeter ce qu’on propose, écrivez-le directement et on va vous proposer, non seulement une solidarité dans l’accueil, on va vous proposer aussi d’être solidaires dans les expulsions et de vous aider à renvoyer des gens. » Mais si le Pacte de la Commission précédente était intéressant dans les idées, avec ce que François Gemenne décrit comme une situation idéale de progrès, dans les faits il était ingérable sur le plan politique. « Cette fois on a l’impression que la Commission part du point de vue des États et propose quelque chose qui va forcément leur convenir, qui aura sans doute plus de chances d’être accepté. Le problème, c’est que c’est une sorte de nouvelle fuite en avant où les frontières extérieures semblent constituer le seul horizon politique commun. Je le vois comme une sorte de défaite politique et comme une sorte de compromis entre la lâcheté et la xénophobie. Je pense vraiment que la Commission pouvait proposer mieux. »