Il a passé neuf mois en prison: sans domicile ni travail, il vit un parcours du combattant
Il a quitté la prison il y a un mois, où il avait purgé une peine pour conduite sans permis, et tente de repartir à zéro au Luxembourg. Mais sans «adresse de référence», cela ne semble pas possible. Le gouvernement affirme qu’il va revoir la loi.
Marques ne veut pas dévoiler son identité, c’est pourquoi il ne révèle son nom de famille que lorsqu’il s’exprime à la première personne. Ce lusodescendant de 52 ans a été condamné à neuf mois de prison après avoir été arrêté cinq fois pour conduite sans permis. «J’ai toujours travaillé comme chauffeur de camion et livreur à domicile», explique-t-il.
Il a purgé sa peine entre les prisons de Sanem et de Schrassig. Lorsqu’il est sorti de prison le 10 janvier dernier, il rêvait de recommencer sa vie. Mais sans adresse officielle au Luxembourg, ce rêve est impossible.
Marques a besoin d’une «adresse de référence», un instrument prévu par la loi luxembourgeoise pour faciliter la réinsertion des anciens détenus ou des sans-abri. Cet instrument permet aux citoyens de ne pas perdre d’opportunités d’emploi ou d’accès à l’assurance maladie ou à l’aide sociale lorsqu’ils n’ont pas d’adresse fixe.
Parce qu’elle parle les langues du pays, l’assistante sociale lui a assuré que sa réinsertion serait facile, explique M. Marques: «Elle lui a dit que l’État paierait la moitié du loyer lorsqu’il trouvera un logement.» Et il a été dispensé de rendez-vous réguliers, mais sans «adresse de référence», un éventuel bail n’est qu’un mirage.
Selon la loi luxembourgeoise, toute personne sortant du système pénitentiaire doit demander son inscription à l’adresse publique de la commune où elle vivait avant son incarcération. Marques a vécu à Dudelange pendant plus de dix ans.
Le 15 janvier, il s’est rendu à l’hôtel de ville, comme il le raconte à Contacto: il a signé les papiers pour continuer sa vie. Au moment de s’inscrire, l’homme «a vu le délai repoussé au 28 février», explique-t-il. La commune de Dudelange a refusé de commenter l’affaire, invoquant la protection des données personnelles.
«Sans adresse de référence, c’est impossible», dit-il au téléphone. Et il énumère les conséquences: il ne peut pas s’inscrire à l’Adem, il ne peut pas obtenir un emploi ou même une aide sociale pour payer son loyer. «Aucun propriétaire ne veut me donner un contrat de location», dit-il.
L’ONG prend le relais
Le lusodescendant s’est tourné vers l’ONG Solidaritéit mat den Heescherten, une organisation qui soutient les personnes menacées d’indigence. Karin Warango, bénévole au sein de l’organisation, explique la mission de l’ONG: «Prévenir les situations d’extrême pauvreté et les cas de mendicité ou de sans-abrisme.»
«Ce cas reflète la rareté des structures de réponse sociale», explique Karin Warango. Sans adresse de résidence, Marques «ne peut pas bénéficier d’une assurance maladie, d’une aide de l’Adem ou d’un contrat de travail. Aucun service social ne pourra l’aider à payer sa caution locative», précise-t-elle.
La seule solution proposée par l’État est un foyer public géré par Caritas. Marques refuse de s’engager dans cette voie.
Il n’a ni famille ni réseau social pour le protéger. Son père était charpentier dans le bâtiment, sa mère travaillait comme femme de ménage. Ils sont tous deux rentrés au Portugal. Sa compagne, âgée de 56 ans, perçoit le Revis, mais attend une pension d’invalidité en raison d’une opération clinique au cou. Le couple est hébergé par un ami.
«La loi n’est pas claire et son application non plus»
«Nous avons contacté les communes et d’autres institutions pour trouver une solution de logement», explique Karin Warango. Et elle souligne l’arbitraire des services sociaux et des municipalités dans l’octroi de l’«adresse de référence».
Selon Karin Warango, l’«adresse de référence» est une condition de base pour recommencer sa vie. Sans elle, tout est bloqué. Cependant, l’ONG est en contact avec différentes organisations pour trouver une solution.
La législation sur l’«adresse de référence» soulève de nombreux doutes, souligne Karin Warango: «La loi n’est pas claire et son application non plus.» En théorie, tout le monde a droit à cet instrument, mais l’attente peut être longue et l’issue incertaine.
1.215 personnes avec une «adresse de référence»
Le gouvernement luxembourgeois reconnaît le problème. Et le gouvernement a l’intention de réviser la législation sur le système de l’«adresse de référence» afin de clarifier le cadre juridique et de garantir une application uniforme par les communes et les associations impliquées dans le processus, assurant «un traitement équitable pour tous les demandeurs», pouvait-on lire dans une réponse parlementaire du ministre de la Famille, de la Solidarité, du Vivre-ensemble et de l’Accueil, à une question des députés du LSAP Franz Fayot et Georges Engel, en mai 2024.
Selon les données du Registre national des personnes physiques (RNPP), en 2023, 1.215 personnes se sont inscrites à des adresses de référence et 774 dossiers étaient actifs. En avril 2024, le nombre de dossiers actifs est tombé à 543, correspondant à 680 personnes.
Dans sa réponse parlementaire, le ministère de la Famille, de la Solidarité, de la Vie associative et de l’Accueil familial précisait que les services sociaux ont refusé 68 demandes d’inscription à des adresses de référence en 2023 en raison du non-respect des exigences légales ou parce que les demandeurs ne se trouvaient pas sur le territoire couvert par le service social en question.
Conscient des difficultés causées par les différentes interprétations de la législation, le gouvernement a inclus dans l’accord de coalition 2023-2028 l’intention de réviser la loi. La reformulation du texte légal vise à éliminer les ambiguïtés, à définir plus clairement le rôle des entités impliquées et à garantir une procédure harmonisée dans tout le pays, peut-on lire dans la réponse parlementaire.
Le processus de révision se déroulera au cours des prochaines années et vise, selon le gouvernement, à garantir une plus grande transparence et équité dans l’accès au système d’adresses de référence, en renforçant la protection des citoyens en situation de vulnérabilité.
La réinsertion commence en prison
Le ministère luxembourgeois de la Justice a renforcé les mesures de réinsertion sociale des détenus, selon une réponse écrite à Contacto, en assurant un soutien psychosocial et socio-éducatif à tous les détenus. Ce soutien, prévu par la loi du 20 juillet 2018 portant réforme de l’administration pénitentiaire, est assuré par le service psychosocial et socio-éducatif des prisons et vise à préparer les détenus à la vie en société après avoir purgé leur peine.
Au début de sa peine, chaque condamné reçoit un Plan volontaire d’insertion, élaboré en lien avec les services pénitentiaires. Ce plan définit un ensemble de mesures destinées à faciliter la réinsertion: formation professionnelle, programmes éducatifs, soutien psychologique, réparation des victimes, etc.
En outre, «les détenus peuvent obtenir des certificats pour les compétences acquises en prison, ce qui augmente les possibilités d’emploi», explique une source officielle du ministère de la Justice.
Le plan d’insertion est flexible et est régulièrement revu en fonction du parcours du détenu, ajoute-t-il. Parallèlement, l’association Défi-Job accompagne les détenus dans leur recherche d’emploi, en les aidant à préparer leur CV et à contacter des employeurs potentiels.
Depuis 2023, un projet pilote d’aide au logement est mis en place pour les anciens détenus sans famille ni moyens financiers. Le programme, qui se poursuivra jusqu’à la fin de 2025, aide à garantir un logement temporaire pendant que les bénéficiaires cherchent une solution permanente. À la fin de la période d’essai, le gouvernement évaluera les résultats et étudiera les moyens de renforcer la politique de réinsertion.