Médecins du Monde s’inquiète

  • L’association appelle le gouvernement à tenir ses engagements internationaux en matière de santé pour tous.

En 2020, les équipes de Médecins du monde Luxembourg sont venues en aide à 771 personnes sur le territoire : des hommes pour la plupart, âgés de 36 à 54 ans, sans domicile personnel, isolés socialement, et vivant en dessous du seuil de pauvreté (moins de 2 013 euros par mois).

«Ce sont des personnes pauvres, mal logées et seules», résume la directrice générale, Sylvie Martin. «Elles n’ont pas d’adresse, donc pas d’aide sociale et pas d’accès aux soins, alors que ces conditions de vie indignes impactent énormément leur santé», déplore-t-elle. Ces quatre dernières années, près de 2 800 patients se sont ainsi succédé auprès des 115 bénévoles de l’association, qui estime que ce chiffre est encore loin de refléter l’ampleur du phénomène des personnes sans affiliation à la CNS.

Ces patients pas comme les autres «attendent que la douleur ne soit plus supportable pour venir nous voir», poursuit la jeune femme. «On essaye de couvrir tous les besoins, grâce à un réseau de médecins et de spécialistes qui acceptent de soigner gratuitement ces patients à leur cabinet privé» – certains, en situation irrégulière, ne souhaitant pas avoir à donner leur identité.

Mais ce n’est pas le cas de tous : en effet, en 2020, 9 % des bénéficiaires de Médecins du monde au Luxembourg étaient de nationalité luxembourgeoise. «C’est la troisième nationalité la plus représentée parmi nos patients, juste après les personnes roumaines et marocaines, et encore, ça se joue à cinq individus près», détaille Sylvie Martin.

Malgré les efforts de Médecins du monde pour adapter son offre face au covid dans ses centres d’accueil de Luxembourg et Esch-sur-Alzette, au foyer Esperanza de Bonnevoie et lors de la Wanteraktioun au Findel – soit près de 2 400 consultations l’an dernier, trop de personnes restent encore exclues des campagnes nationales, constate l’association.

D’où cette alerte : «Ce qu’on peut faire, juste en s’appuyant sur des dons, a des limites», explique la directrice, se rappelant cette jeune maman de 33 ans, enceinte de jumeaux et privée de suivi de grossesse parce qu’elle n’avait pas de papiers. «Ces personnes n’apparaissent dans aucune des statistiques nationales», se désole Sylvie Martin.

Une situation «inacceptable»

Cette situation, le vice-président Dr Bernard Thill, ne peut plus la supporter : «C’est inacceptable de laisser ces gens sans soins, à l’encontre des préconisations de l’OMS et des textes internationaux en faveur d’une couverture sanitaire universelle, auxquels le Luxembourg a pourtant souscrit», s’emporte le médecin engagé.

Médecins du monde Luxembourg plaide pour la création d’une «Gesondheetshëllef» financée par l’État via le Fonds national de solidarité : les ayants droit seraient enregistrés à la CNS et bénéficieraient d’un remboursement de leurs soins, sans que les finances de l’assurance maladie soient impactées. En parallèle, après avoir activement participé, début juin, à une première campagne de vaccination contre le covid dans le cadre de la Wanteraktioun, l’association demande la continuité de l’offre vaccinale pour les plus démunis : «On a une quarantaine de personnes volontaires qui attendent d’être vaccinées», annonce Sylvie Martin. «Nous avons présenté un projet au ministère de la Santé, on attend un retour. Les autres pays européens le font, pourquoi pas nous?», interroge-t-elle.

Médecins du monde souligne encore l’importance de protéger l’ensemble des personnes vivant sur le sol luxembourgeois et prie les autorités de faire confiance aux acteurs de terrain pour permettre la vaccination des individus sans matricule ou document d’identité.

Les plus démunis face au covid

Pour les personnes sans logement, la désorganisation de l’offre sociale durant les premières semaines de la crise sanitaire a eu des conséquences directes : «Certains n’ont même pas pu s’acheter du pain puisque les paiements en espèces étaient refusés dans certaines boulangeries», raconte Sylvie Martin, directrice générale de Médecins du monde Luxembourg. «D’autres ont dû trouver des solutions d’urgence pour des besoins aussi primaires que se nourrir, prendre une douche ou aller aux toilettes.»

Au niveau économique, l’impact a été immédiat pour ces exclus de l’aide sociale – car sans adresse : «Beaucoup ont perdu leur travail non déclaré dans la restauration ou la construction, sans oublier le manque, vu les rues désertes, des quelques revenus tirés de la mendicité.» Entre mars et juillet 2020, le nombre de nouveaux patients ayant franchi les portes d’un centre de soins a doublé par rapport à 2019 avec 125 dossiers créés : des hommes originaires d’un pays européen et qui n’ont pas pu rentrer chez eux, pour la plupart.