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Histoires de migrations

Familles jetées sur les routes par la guerre, camps de fortune installés à l’orée des villes, rescapés de périlleuses traversées en mer : les chaînes d’information ont fini par banaliser les images de migrants, trop souvent réduites à une forme d’archétype du malheur contempo- rain. Ces actualités reflètent des situations bien réelles, comme celles que vivent actuellement les civils cherchant à quitter l’Afghanistan. Versant tragique des migrations, elles sont loin de résumer la réalité complexe, plurielle et mou- vante de ce phénomène majeur du xxie siècle. En 2020, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) évaluait à 272 millions le nombre de personnes ayant quitté leur pays pour fuir les violences, les catastrophes naturelles ou les effets du changement climatique, mais aussi étudier, travailler, s’inventer une vie ailleurs.

Courrier de l’Unesco 2021 – 4

Wie Frontex eine deutsche NGO einschüchtert

Europäische Grenzschutzagentur

Wie Frontex eine deutsche NGO einschüchtert – trotz Widerstand des Europaparlaments

Die EU-Grenzschutzagentur verlangt von der kleinen Organisation »Frag den Staat« die Erstattung von 10.000 Euro Anwaltskosten. Frontex-Chef Leggeri stellt sich damit demonstrativ gegen das Europaparlament.
Frontex-Chef Fabrice Leggeri in Bulgarien
Frontex-Chef Fabrice Leggeri in Bulgarien

Foto: Hristo Rusev / Getty Images

»Fabrice Leggeri nimmt das Europaparlament nicht ernst.«

Arne Semsrott, »Frag den Staat«

Pour une Ville inclusive, sans peurs !

Lettre à la rédaction

 

La Ville de Luxembourg se dit fière d’être une capitale avec plus de 124.000 habitants dont 70% sont des étrangers regroupant 165 nationalités. Cette grande diversité de nationalités, de cultures, d’origines sociales …  donne à cette ville un dynamisme et un air cosmopolite d’ouverture sur le monde.

Mais nous assistons aussi à une gentrification rapide des habitants des quartiers plus populaires de la Ville. Ses habitants issus de milieux moins bien lotis ont de plus en plus de difficultés à trouver un logement abordable et sont remplacés par des résidents au pouvoir d’achat bien plus important.

Les tensions deviennent palpables. La pauvreté avec sa petite criminalité est stigmatisée et devient le bouc émissaire de tous les maux.

 

Or il va de soi qu’une ville riche comme Luxembourg soit confrontée à des problèmes sociaux et de criminalité visibles dans certains quartiers comme la Gare ou Bonnevoie. Les discours des politiques, rappelant sans cesse le climat d’insécurité ambiant dans la Ville, alimentent chez ses habitants et bien au-delà, des sentiments de peur et de méfiance de l’autre, incitent à se refermer sur soi.

On réduit la complexité des problèmes de vente et de consommation de drogues, des sans-abris, des mendiants … à leur visibilité dans les rues de la capitale, aux peurs de citoyens inquiets d’être agressés, au fait d’être importuné(e) par la vue de ces personnes « qui ne sont pas comme nous ». La frénésie du tout sécuritaire, où l’appel à une présence constante des forces de l’ordre à tout coin de rue alimente des tensions, des frustrations et le rejet de l’étranger pauvre, jeune, réfugié ou d’origine africaine … Il est clair que ces problèmes existent et doivent être pris au sérieux, mais dans toute leur complexité et pas seulement par une approche répressive et sécuritaire.

Nous estimons que ces discours renforcent les arguments des populistes défenseurs d’une Europe catholique et blanche. Le terreau se crée ainsi pour l’extrême droite grâce aux discours de certains politiques de nos partis et là est le véritable danger pour la démocratie.

 

Comme membres de la commission communale d’intégration de la Ville de Luxembourg, nous sommes alertées par les effets dévastateurs de ces affirmations sur la cohésion sociale dans notre ville, voire dans tout le pays.

L’importance de la cohésion sociale risque être comprise de manière négative et par là devenir encore plus inaccessible. Le fait qu’on mélange en plus de manière insidieuse dans ces discours les questions d’intégration des réfugiés et des migrants, nous paraît tout à fait inacceptable ! Se donner une vraie politique d’inclusion sociale des couches les plus vulnérables de la population au lieu de les stigmatiser, rehausserait la valeur de l’action politique et donnerait à tout citoyen la chance d’être acteur et non simple spectateur passif devant les discours.

 

Considérer les avis et suggestions des commissions communales fait partie du système politique communal. Mais alors pourquoi ne pas demander le point de vue de la commission consultative d’intégration de la Ville sur des thèmes d’actualité, surtout quand il y va du vivre ensemble de ses habitants ? Le vécu de ses membres pourrait donner un regard plus large, au-delà du seul horizon des frontières de notre pays, et nous donner la chance d’être créatif dans l’élaboration de solutions concrètes.

 

Pour nous, les défis du vivre ensemble existent et doivent avoir des réponses concrètes allant au-delà de la répression et de la sécurité ; il faut rendre visible les réalités et les contradictions sociales et mener une politique sociale ambitieuse qui analyse et explique la situation actuelle et adopte des solutions de prévention. Il faut cesser les discours alarmants et simplistes réduisant des problèmes de société à des solutions répressives.

Une ville est mieux armée contre ces phénomènes si ses habitants se connaissent, créent des liens et participent. Une vraie politique de l’accueil doit permettre à ses habitants – nouveaux et anciens – de se rencontrer et ainsi favoriser la curiosité de l’autre, l’ouverture d’esprit, la tolérance et l’égalité. Ainsi p.ex. la mise en place d’activités de mise en réseau des habitants par quartier augmenterait l’échange sur le vécu réel dans le quartier, inciterait à entreprendre des activités ensemble, tout en profitant de l’intelligence collective et des talents des habitants …

Activer et responsabiliser ses citoyens au lieu de leur faire peur fait partie d’une politique responsable et durable.

Utilisons les ressources : des citoyens comme ceux engagés au sein de la commission d’intégration de la Ville de Luxembourg qui veulent à participer activement à la mise en œuvre d’une politique plus inclusive.

Marianne DONVEN

Laura ZUCCOLI

Actualités du Département de l’Intégration

septembre 2021

Changements importants pour renforcer la participation politique des non-luxembourgeois

Credit: MFAMIGR

En date du 2 septembre 2021, la ministre de la Famille et de l’Intégration, Corinne Cahen, la ministre de l’Intérieur, Taina Bofferding, et la ministre de la Justice, Sam Tanson, ont présenté des changements en vue des prochaines élections communales en 2023. À l’avenir chaque citoyen pourra participer aux élections communales (et européennes), quelle que soit sa durée de résidence dans la commune. Afin de permettre aussi à davantage de citoyens non-luxembourgeois de participer aux élections communales, le dernier jour d’inscription sera reporté du 87e au 55e jour avant les élections. Trouvez le communiqué sur notre site.

Le site forum-CAI disponible en portugais

« Bem-vindo ao Luxemburgo!» Toutes les informations sur le Contrat d’accueil et d’intégration (CAI) ainsi que les formulaires d’inscription et les horaires des cours sont disponibles en portugais sur forum-cai.lu.

Campagne de visibilité des projets AMIF

Deux projets AMIF, soutenus par le ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région et par le ministère des Affaires étrangères et européennes, font partie d’une campagne de visibilité. Découvrez les projets dans cette vidéo.

Credit: MFAMIGR

Corinne Cahen a présenté
l’analyse sur les besoins des CCCI

Du 19 au 21 juillet, la ministre de la Famille et de l’Intégration, Corinne Cahen, s’était rendue à Bonnevoie, Wasserbillig, Ettelbruck et Soleuvre pour présenter les résultats d’une étude sur le fonctionnement et les besoins des CCCI. L’étude peut être consultée ici.

Save the date
Le prochain GRESIL s’annonce 

Le Département de l’intégration a le plaisir de vous annoncer la date du prochain GRESIL. La rencontre aura lieu le 17 novembre 2021 de 11:30 à 14:30 heures à Soleuvre. Sujet du GRESIL sera la création de lieux de rencontres et d’échanges au niveau communal.

Rappel
Subsides pour actions d’intégration 2021

Toute association promouvant des projets en faveur de l’intégration peut soumettre une demande auprès du ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région. Trouvez plus d’informations et tous les formulaires de demandes ici.

Credit: MFAMIGR

Nouvelle loi
Compte-rendu des focus groups 

Dans le cadre d’une révision de la loi d’intégration, la ministre de la Famille et de l’Intégration, Corinne Cahen, a invité les acteurs du terrain à échanger sur leurs points de vue en focus groups. Retrouvez le compte-rendu coordonné des quatre groupes ici.

Participation sociale 
Forum pour le 3e âge

Afin de renforcer l’intégration et la participation sociale des seniors dans les communes, la division des Personnes Âgées du ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région invite au prochain « Forum pour le 3e âge », le 23 octobre 2021 à Walferdange. Les sujets de la réunion seront la digitalisation et l’intergénérationnalité. Plus d’informations sous peu sur luxsenior.lu.

ASTI informe sur le service écrivain public

L’ASTI invite à une réunion d’information pour acteurs communaux sur le service écrivain public bénévole. La visio-conférence aura lieu le mercredi 13 octobre de 12h15 à 13h45. L’ASTI et le CNDS organiseront fin novembre une formation d’écrivain public. Contactez agence.interculturelle@asti.lu pour vous inscrire à cette formation.

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Pour plus d’informations : integration.public.lu

Save the date : Plénière du Ronnen Desch le 26 octobre à Munsbach

 

Après des mois et des mois de pandémie, l’heure est venue de se re – voir en

plénière du Ronnen Desch.
Rendez – vous mardi 26 octobre de 17.00 à 19.00 heures au Centre Culturel de Munsbach,
185, rue Principale L-5366 Munsbach dans le respect des mesures COVID.

Comme d’habitude toutes les participantes et tous les participants sont invité.e.s à échanger, à faire partie de leurs expériences.
Nous aurons de brèves actualisations de leurs politiques respectives de la part des Ministères de la Famille et de l’Intégration, du Ministère de l’Education Nationale, de la Direction de l’Immigration et de l’Office National pour l’Accueil.

Monsieur Romain Schneider, Ministre de la Sécurité Sociale, présentera les travaux du gouvernement en matière de Couverture Sanitaire Universelle, initiative « née » dans une plénière du Ronnen Desch.
Autre initiative issue d’une plénière : le site internet ACCES A MES DROITS sera présenté en version beta.

La commune de Schuttrange invite à un verre de l’amitié à la fin de la rencontre, vers 19.00 heures.

Nous vous invitons à partager la présente invitation avec vos collègues échevins et conseillers communaux ainsi qu’avec les membres de votre commission d’intégration.

Les intéressé.e.s sont prié.e.s de bien vouloir s’inscrire en faisant un mail à info@ronnedesch.lu pour le 22 octobre.

Au plaisir de vous rencontrer à Munsbach,
l’équipe de coordination du Ronnen Desch

se rendre au Centre Culturel de Munsbach
https://moovitapp.com/index/fr/transport_en_commun-Centre_Culturel_Munsbach-Luxembourg-site_37348837-3827

Pour une politisation de la question migratoire

Bonnes feuilles : « Droit d’exil. Pour une politisation de la question migratoire »

Des familles afghanes en transit à l’aéroport international Incheon à Seoul le 26 août 2021. Anthony WALLACE / AFP

Dans son ouvrage « Droit d’exil. Pour une politisation de la question migratoire » récemment paru aux Éditions MIX, le chercheur Alexis Nouss s’interroge sur la notion même d’exil et plaide pour la reconnaissance politique de la figure du migrant. Extraits choisis.


Le migrant d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier, travailleur algérien ou immigré polonais. Il n’est pas que migrant, agent d’un processus global, il est aussi exilé, acteur de son histoire et de la nôtre. Comme pour tout processus de connaissance, nommer précisément les choses constitue une étape initiale indispensable. Or, une crise de la nomination est venue animer un débat terminologique sur la désignation des migrants qui arrivent en Europe – à ne plus nommer ainsi : cessons de les nommer migrants, ce sont des réfugiés.

Le raisonnement veut que les migrants quittent leur lieu de naissance ou de résidence pour trouver de meilleures conditions de vie et que, par conséquent, nommer tous ceux qui arrivent aujourd’hui en Europe des « migrants » gomme la guerre, l’oppression, la persécution qui ont fait fuir ceux qui ont droit à l’asile et au statut de réfugié. L’argument, de plus, se renforce lorsque la France, par exemple, veut accepter les réfugiés (politiques) et rejeter les migrants (économiques).

Unis par la détresse, les réfugiés seraient tous ceux qui ont fui les conditions d’une vie impossible et ce départ involontaire fait partie de leur identité. À ce titre, qu’ils fuient la guerre ou la misère importe peu, distinction proscrite au demeurant par la Convention de Genève de 1951. Loin d’une lâcheté, leur fuite affirme la noblesse humaine qu’ils n’acceptent pas de voir niée en eux. S’ils fuient afin de vivre, leur refuser l’asile, même sous la forme d’une simple dénomination, équivaut à adopter une complicité passive avec ceux qui les ont poussé à la fuite. Être réfugié signifie d’abord être lorsqu’un sujet fuit la menace du non-être. L’exil ou la mort. […]

Quand le migrant cesse de migrer

Pour commencer, il est bon de soumettre les deux termes à la logique grammaticale. Migrant : participe présent du verbe « migrer ». Le migrant migre, le participe présent désignant en français une action en train de se faire et l’agent de cette action. Quand le migrant cesse de migrer, quand il est arrivé, il n’est donc plus (un) migrant. Qu’est-il donc ? Réfugié : vient du latin fugere, qui signifie « fuir », le préfixe re – indiquant non la répétition mais l’intensité. Un réfugié fuit.

Quand le réfugié cesse de fuir, quand il est arrivé, il n’est donc plus (un) réfugié. Qu’est-il donc ?

Jeunes femmes éthiopiennes ayant fui la vallée du Tigray, en guerre, et actuellement réfugiées au camp de Umm Rakuba, à l’est du Soudan, 11 août 2021. Ashraf Shazly/AFP

La rigueur terminologique prend le relais. Elle nous rappelle que la famille « migrante » appartient au vocabulaire animalier : les oiseaux ou les poissons migrent par instinct sans pouvoir s’y soustraire alors que les humains s’exilent en ce que, même soumis à la nécessité du départ, ils peuvent en bâtir un projet et transformer leur condition en conscience. En outre, les termes connexes (émigrants, immigrants, émigrés, immigrés) fleurent les décennies de l’après-guerre en Europe où l’idéologie du progrès et de la reconstruction demandait de la main-d’œuvre, « années-bonheur » dissipées aux vents de crises économiques successives.

Quant à l’emploi de « refugié », il relaie une erreur de catégorisation juridique et une approximation lexicale puisque la langue du droit n’utilise le terme et n’octroie le statut que lorsque l’asile a été administrativement accordé. De surcroît, l’appellation reconnaît à l’arrivant un destin mais qui ne dépend pas de lui car celui qui nomme (ou non) le réfugié en décidant de son statut se trouve sur un seuil, investi du pouvoir d’ouvrir ou non la porte. Un privilège qui sert à pleinement fonder l’hospitalité (« je t’accueille car tu viens ») autant que son refus (« je ne t’accueille pas car tu viens me tuer »).

Le « demandeur »

Autre prétendant lexical, le « demandeur d’asile ». Encore faut-il que la demande soit faite, c’est-à-dire que les conditions qui permettent de la déposer soient réunies, un encouragement qu’en France sont loin de dispenser les autorités. Si la position de demandeur crée de facto et d’une façon générale une asymétrie qui place les uns en position de pouvoir et les autres de soumission, la notion d’asile, elle, appelle à être examinée dans sa dimension temporelle.

On demande le refuge ou l’asile comme on donne le refuge ou l’asile mais cela ne suffit pas pour poser l’équivalence entre les deux notions. Puisque refuge sous-entend une fuite, il souligne une action en mettant l’accent sur la destination, en l’occurrence le dispositif qui donnera refuge et il suppose un terme éventuel à cette action, la valeur d’un refuge prenant sens devant l’imminence d’un danger et le perd lorsque le péril est écarté.

Ce qui éclaire des mesures telles que, en France, la « protection subsidiaire » et, au niveau européen, la « protection immédiate et temporaire », statuts de substitution lorsque les conditions pour l’octroi du statut de réfugié ne sont pas réunies. Celui-ci, d’ailleurs, n’est pas inamovible car il peut être révoqué ou on peut y renoncer.

L’asile, espace préservé

La Esmeralda donne à boire à Quasimodo. Une larme pour une goutte d’eau, huile sur toile de Luc-Olivier Merson, Maison de Victor Hugo, 1903. Luc-Olivier Merson/Wikimedia

Asile, par contre, dont le sens étymologique renvoie à un espace préservé du pillage, implique un lieu et induit une idée de permanence. L’asile offre de reconstruire une vie, le refuge la protège provisoirement. Dans Notre-Dame de Paris, Victor Hugo évoque les villes françaises qui, depuis le Moyen-Âge jusqu’au XVIe siècle, intégraient des « lieux d’asile » considérés comme « des espèces d’îles qui s’élevaient au-dessus du niveau de la justice humaine » et qu’il détaille :

« Les palais du roi, les hôtels des princes, les églises surtout avaient droit d’asile ».

Au grand bonheur (hélas provisoire) d’Esmeralda, c’est le lieu – cathédrale qui possédait et exerçait le droit d’asile auquel avait accès l’individu le choisissant. Dans certains états américains, cette tradition de l’asile dans les lieux de culte est perpétuée. On se souvient aussi de l’Église Saint-Bernard à Paris en 1996 dont l’évacuation anticipa les violences policières ultérieures à l’endroit des migrants.

Un mélange de droit du sol et du droit de la personne, en somme, moins arbitraire en cela que le droit d’asile tel qu’administré aujourd’hui sous les auspices de l’OFPRA, du CNDA et du ministère de l’Intérieur. Ce qui est d’autant plus inacceptable que ce droit appartient au registre démocratique fondamental. Alors qu’il souffrait de ne pas le recevoir du gouvernement allemand de 1930, Trotsky y voyait une contradiction car il considérait le droit d’asile comme un principe essentiel de la démocratie :

« L’utilisation du droit d’asile, en principe, ne se distingue nullement de l’utilisation du droit de vote, des droits de liberté de la presse, de réunions, etc. »

Ni migrant, ni réfugié, alors qui est-il ?

Ni migrant, ni réfugié, qu’est-il alors, celui qui vient et demande asile ? Toute la question. Migrants ou réfugiés : les termes, supposés qualifier les individus visés, servent surtout à les agglomérer en une masse anonyme.

Les nommer « exilés » les sort d’une telle opacité et affirme que le migrant est un sujet, un sujet en exil, avec une histoire, une mémoire, un chemin, un récit, une expérience à partager dont les récits religieux ou littéraires des pays d’accueil ont façonné les cadres et les mémoires familiales recueilli les traces.

Le terme « migrant » n’est pas abandonné dans ces pages afin d’affirmer un lien dialectique avec « exilé » et puisqu’il est celui employé par l’opinion publique et par la prose journalistique pour désigner les arrivants irréguliers en Europe, celles et ceux vivant le drame de l’exil de masse contemporain. En outre, il s’attache encore à la notion d’exil une connotation élitiste comme si elle ne concernait qu’une minorité somme toute privilégiée (des personnalités artistiques ou politiques), ce qui la rend préjudiciable à notre usage.

« L’exilé » s’inscrit dans une tradition culturelle connue et positivement valorisée en Europe au point qu’une aura de respect s’attache à sa figure, une noblesse – indépendamment du fait que de nombreux aristocrates ont fui les révolutions car, symétriquement, de nombreux révolutionnaires roturiers ont dû choisir l’exil. À ce titre, le migrant doit d’abord être reconnu comme un exilé. En outre l’usage de ce dernier terme pour désigner les migrants irréguliers aide à spécifier cette migration autrement que par son irrégularité.

La transmissibilité de l’exil

La pérennité de l’asile résonne avec la transmissibilité de l’expérience exilique. Là où le migrant porte une identité destinée à disparaître après l’intégration ou l’assimilation, l’exilé conserve la sienne quelle que soit l’issue du parcours car il garde mémoire de l’avant qu’il fait dialoguer avec le présent pour le transmettre aux générations à venir et féconder le futur.

La migration réclame des chiffres, l’exil exige des mots ; la migration consiste en un trajet, l’exil dans le récit du trajet. L’entendre redonne un vécu au migrant, riche et pluriel, apte à guider le vivre-ensemble malaisé des sociétés contemporaines. Car même lorsque l’itinéraire migratoire est reconnu, le discours citoyen insiste sur le point d’arrivée, le discours communautariste sur le point de départ.

Or, l’expérience exilique conjoint les deux, dans une dynamique de multi – appartenance qui vient redonner souffle aux mécanismes de cohésion interne, ce dont ont vitalement besoin les nations européennes autant que la communauté les rassemblant, tant elles sont toutes en panne d’idéaux unificateurs, mis à part les populismes de tout bord.

Le russe Léon Trotsky (à gauche), accompagné de son épouse Natalia Sedova, est reçu par la peintre mexicaine Frida Kahlo à son arrivée à Mexico, le 24 janvier 1937. Acme/AFP

Dire que le migrant est d’abord un exilé, c’est passer de la stricte question migratoire à la condition exilique et initier un changement qui compte stratégiquement car il permet, élargissant considérablement l’angle de vue, de fonder conceptuellement la possibilité d’un droit d’exil inhérent à cette condition. Une condition exilique, de même qu’on a pu traiter d’une condition humaine, d’une condition féminine, d’une condition noire, d’une condition juive, même si ces exemples peuvent sembler suspects en nos temps de déconstruction identitaire généralisée.

On habite le monde, le monde nous habite

Si les conditions de ces « conditions » sont évidemment historiques, variées et variables, brisant ainsi toute prétention d’essentialisation, les identifier et les désigner permet de les considérer comme des aspects de l’« humaine condition » qui, de Montaigne à Hannah Arendt, a inspiré les luttes d’émancipation en sollicitant la conscience née d’une appartenance commune.

L’expérience exilique module et traduit à la fois la condition humaine comme l’interprètent à leur façon la condition noire ou la condition féminine, nuances du prisme aux multiples facettes qu’est le vivre-humain. L’exil ou la mort car seul l’exilé meurt – le migrant et le réfugié n’ont que des existences de (sans-)papier. Ne pas accueillir l’arrivant par devoir moral ou politique ou par intérêt mais parce que nous partageons une même condition de vivant, un même habitat sur terre. Un lieu ne garantit pas plus une appartenance qu’une identité – on habite le monde, le monde nous habite : « Casa mia, casa tua » disent les Italiens, « Casa nostra, casa vostra », disent les Espagnols.

Célébrer l’exil en tant que forme de vie – selon l’expression de Ludwig Wittgenstein qui, de Vienne à Londres, pratiquait la philosophie comme un exil loin de toute certitude – amène à regarder différemment le monde qui nous entoure. Si l’exil, au-delà de sa définition géographique ou politique, désigne d’une manière générale, l’absence d’un chez-soi permanent et protecteur, toute personne privée d’un tel droit fondamental peut être considérée en exil : en dehors d’un pays, en dehors d’un tissu communautaire, en dehors d’une norme sociale. Habiter l’incertain résume l’expérience de la migration en y intégrant celles de la précarité urbaine, de l’internement psychiatrique, de la prison, de la prostitution, de la maladie ou du handicap.

Ce sont là des exils de proximité qui devraient éveiller la sensibilité aux migrations venues de loin. L’entendre et le comprendre veille à l’exercice d’une démocratie qui ne connaît de frontières, internes ou externes, que pour savoir, lorsqu’il le faut, les ouvrir et accueillir l’autre.


L’auteur est titulaire de la chaire Exil et Migrations à la FMSH.

Ausbaufähige Integration

Ausbaufähige Integration

ANNETTE WELSCH – LUXEMBURGER WORT 25. August 2021  Editorial

Es sind Bilder einer furchtbaren Verzweiflung, die den Westen erreichen, wenn Menschen sich an Flugzeuge klammern, um Afghanistan noch rechtzeitig verlassen zu können. Menschen, die sich trotz 20 Jahren Krieg und vieler Fehler der westlichen Alliierten die Hoffnung machten, in Freiheit, Würde und Gleichheit, mit Bildung und Chancen ein akzeptables Leben in ihrem Land führen zu können. Sie flüchten vor der Taliban-Diktatur und ihrer strengen Scharia, vor einem drohenden Bürgerkrieg, aber auch vor einer schweren Dürre und Hungersnot.

(…)