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Soins gratuits : «Un silence assourdissant»

  • Le «Ronnen Dësch» ne souhaite pas de discussions stériles, mais un passage à l’acte concret.

    Photo : archives lq/pierre matge

Treize organismes de la société civile regroupés au sein du groupe de travail «Ronnen Dësch» demandent une couverture sanitaire universelle dans une lettre ouverte adressée à divers ministères et à l’ensemble des parlementaires. Une réponse se fait encore attendre. «Nous avons conscience qu’ils sont occupés à régler les problèmes liés à la pandémie, note Serge Kollwelter du «Ronnen Dësch». Cependant la situation actuelle montre l’importance de l’accès à la sécurité sociale et aux soins pour tous.»

Le sujet n’est pas neuf. Il est inscrit au programme de coalition. Et pourtant, rien ne bouge. «Ce n’est pas un sujet porteur en termes politiques. Il ne concerne que très peu de personnes et ne demandera pas de dépenses extraordinaires», poursuit Serge Kollwelter. Ignorer ces personnes sous prétexte du nombre ou de leur origine peut cependant, à terme, entraîner un problème de santé publique. «Ces personnes risquent de développer des pathologies dont les traitements vont être onéreux et gréver le système de santé», estime-t-il. Le groupe propose une Gesondheetshëllef, un fonds de solidarité, financée par le budget de l’État, qui permettrait de garantir ces soins gratuits.

Le nombre de personnes concernées est une nébuleuse en permanente évolution : personnes au tiers payant, sans-abri, jeunes entre 18 et 25 ans sans emploi, personnes en situation irrégulière… Les profils sont divers. «Il faut avoir une adresse pour avoir une couverture sociale et cotiser. En ce moment, la CNS tolère les adresses de correspondance auprès d’associations, mais il faut une base légale. Il suffit de changer de gouvernement pour que cette tolérance s’arrête», explique Serge Kollwelter.

Quant aux jeunes, pour toucher le Revis (revenu d’inclusion sociale), il faut être âgé de 25 ans minimum. «Un jeune qui n’a ni famille ni formation en cours est livré à la générosité des offices sociaux. Les cotisations sur base volontaire devraient être prises en charge par les offices sociaux. Le ministère de la Famille devrait faire en sorte que les prestations de base soient les mêmes dans toutes les communes, poursuit-il. Il faut plus qu’une recommandation.» Cette situation touche également les jeunes réfugiés.

La santé publique en jeu

Sans couverture sociale, pas de suivi médical préventif possible, de traitement ou de prise en charge d’urgence. Des gens meurent sur nos trottoirs. «Le problème est (re)connu. Nous attendons que la politique passe à l’action, indique Serge Kollwelter. Nous avons été patients assez longtemps. Ce silence assourdissant de la part des décideurs commence à poser question.» La pandémie à elle seule ne peut pas être une réponse.

Pas de couverture sociale, c’est également faire une croix sur des traitements pour des pathologies psychiques. «Nous attendons depuis longtemps déjà que les consultations chez les psychologues soient prises en charge par la Caisse nationale de santé», ajoute Serge Kollwelter, qui rappelle que la lettre ouverte fait également état de la question de l’interprétariat en matière de soins : «La langue pratiquée par les médecins peut ne pas être la nôtre. Quand on va chez un médecin, on a envie de bien comprendre et d’être bien compris. La Croix-Rouge a un service d’interprétariat, mais il est payant.» Dès lors, comment s’offrir un tel service quand on n’a déjà pas ou à peine les moyens de s’offrir des soins? Les soins de santé ne se résument pas à prescrire des médicaments.

«Nous voulons que les personnes exclues du système de santé ou qui ont du mal à y accéder puissent obtenir de l’aide. Nous ne voulons pas créer une polémique. C’est une question de santé publique avant tout, précise-t-il. Si ces personnes sont en bonne santé, elles ne risquent pas de nous rendre malades.» Le «Ronnen Dësch» ne souhaite pas de discussions stériles, mais un passage à l’acte concret. «La santé de chaque individu a un impact sur celle de toute la société.»

Lancement des projets 2021 dans le cadre du Plan d’action national d’intégration

Suite à un appel à projets lancé par le Département de l’intégration du ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région, 10 projets ont été retenus par le comité interministériel à l’intégration pour le financement de projets favorisant l’intégration au Grand-Duché de Luxembourg. Pour l’année 2021 et 2022, le Département de l’intégration soutient les projets PAN avec un montant total de 860.000€.

L’emploi des réfugiés dans l’impasse

Pour favoriser l’autonomie des réfugiés et des migrants au Luxembourg, l’ASTI en est convaincu : l’emploi est la clé. C’est pourquoi l’Association de soutien aux travailleurs immigrés imagine sans cesse de nouveaux projets en lien direct avec les besoins du marché du travail luxembourgeois.

Ainsi, ses deux derniers programmes, démarrés début 2019, se sont révélés particulièrement efficaces : ouverts aux demandeurs et aux bénéficiaires de protection internationale tout comme aux migrants, les projets Connections4Work et LuxWoW, financés par des fonds publics européens et luxembourgeois pour le premier et privés pour le second, ont bénéficié à plus de 200 personnes.

«Quatre-vingt-dix ont participé à notre parcours Connections4Work qui comprend des cours de langue ciblés sur le vocabulaire usuel de métiers en pénurie de main-d’œuvre – jardinage, restauration, nettoyage – des ateliers pratiques, des séances d’information et des stages de formation en entreprise non rémunérés», indique Laura Zuccoli, la présidente de l’ASTI. Près de la moitié des participants ont pu montrer leurs compétences lors d’un stage professionnel tandis que 16 d’entre eux se sont vu proposer un contrat de travail. «Un succès indéniable», souligne-t-elle.

Idem pour le projet LuxWoW (Luxembourgish World of Work), qui a proposé pendant plus de deux ans des ateliers portant sur le marché de l’emploi et ses pratiques : 120 personnes ont été formées au droit des travailleurs, à la rédaction de CV ou encore à la préparation à un entretien.

Des initiatives concrètes pour pourvoir des postes qui ne trouvent pas preneur et garantir l’accès à l’emploi de cette population vulnérable. Or, faute de financements, ces deux programmes qui se sont achevés fin juin ne seront pas reconduits. Un crève-cœur pour l’ASTI, qui insiste : «Ces ateliers remédient aux obstacles à l’embauche que sont le manque de maîtrise de la langue, la méconnaissance du fonctionnement du marché du travail au Luxembourg et l’absence de contact avec les entreprises.»

Des opportunités manquées

Et ce n’est pas la seule désillusion pour l’association : alors que ses équipes constatent chaque jour sur le terrain une forte demande pour ce type de projets d’accès à l’emploi, l’ASTI dénonce l’attitude du gouvernement, aux abonnés absents en ce qui concerne le Parcours d’intégration accompagné (PIA) pourtant prévu dans l’accord de coalition. «Après une première phase concluante, le ministère de l’Intégration avait sollicité plusieurs organisations en 2018 pour y donner suite. Mais rien ne se passe. On nous répond que c’est en réflexion avec la nouvelle loi sur l’intégration et l’accueil : très bien, mais on aurait pu poursuivre avec la forme existante en attendant», regrette la présidente, qui voit là bon nombre d’opportunités manquées pour les candidats à l’emploi comme pour les entreprises.

D’autant que les difficultés de recrutement préexistantes à la crise sanitaire dans certains secteurs se sont accrues avec la reprise économique. «Face à ce déficit de main-d’œuvre, le gouvernement doit réagir en urgence et mettre en place des mesures et projets pour les réfugiés et les migrants motivés. Il y va de leur indépendance, de leur accès à une vie plus digne et d’un meilleur vivre-ensemble», résume l’ASTI, qui se dit ouverte à toute collaboration avec les acteurs concernés.

Migranten a Refugiéë faasse Fouss um Aarbechtsmarché

RTL – Pilotprojet “Connections4work”: Migranten a Refugiéë faasse Fouss um Aarbechtsmarché

Pilotprojet “Connections4work” / Rep. Chris Meisch

Fir d’Asti ass dat en Ufank, dee Courage mécht. D’Associatioun hëlleft domadder Migranten a Refugiéen, fir Fouss um Aarbechtsmarché ze faassen an domat de Manktem un Aarbechtskraaft proaktiv unzegoen.

Et gëtt ëmmer nees drun erënnert, dass et um Lëtzebuerger Aarbechtsmarché e Manktem un net qualifizéierter Aarbechtskraaft gëtt. Dëst virop an de Beräicher vun der Restauratioun, der Konstruktioun an am Transport, wéi zum Beispill Camion- a Buschaufferen. Dobäi si vill Migranten a Refugiéë bei der Adem oder beim Büro fir sozial Inklusioun hei zu Lëtzebuerg ageschriwwen a sichen eng Aarbecht. D’Asti versicht béid Problemer gläichzäiteg ze léisen an och d’Migranten an d’Refugiéen sou gutt wéi et geet, op den Aarbechtsmarché virzebereeden.

D’Presidentin vun der Asti, Laura Zuccoli: “Mir stellen am Fong geholl ëmmer rëm fest, dass ganz vill Leit am Fong geholl keng Aarbechtsplaz fannen, sief et, well d’Sproochkenntnisser net gutt genuch sinn, sief et och, well se eisen Aarbechtsmaart net gutt genuch kennen, net wëssen, wéi e funktionéiert, wéi se sech do solle rëmfannen, an och well se guer keng Kontakter richteg hu mat de Professionellen.”

Bei der Asti gëtt och vill Wäert drop geluecht, dass d’Kandidaten d’Landessprooche léieren. Zanter 2019 huet d’Associatioun 2 innovativ Projeten op d’Been gestallt. De Projet mam Numm “connections4work” gouf duerch de Fonds social européen, de Familljeministère, den Aarbechtsministère an den ONIS finanzéiert an ass an 3 Etappen opgedeelt.

De Responsabele vum Projet, Marc Piron: “Den éischte Komponent ware Sproochecoursen, déi spezifesch baséiert waren op den Apprentissage vu Vokabulär vu verschidde Metieren. Den zweeten Aspekt waren Informatiounssessiounen. Et waren der, wéi maachen ech ee CV, wat si meng Rechter als Aarbechter hei zu Lëtzebuerg, an dann hate mer awer och eng ganz flott Collaboratioun mat der Superdreckskëscht a mam Horesca, fir ganz spezifesch Formatiounen ze maachen. An dann déi drëtt Saach, dat waren onbezuelte Stagë vun 240 Stonnen an déi erlaabt hunn, de Leit a Kontakt ze triede mat de Patronen.”

Vun deenen 90 Leit, déi zanter 2019 Deel geholl hunn, hunn 41 ee Stage gemaach an dovu kruten der 16 ee Kontrakt. Et géing ee sech awer och bei verschiddene Punkten nach Gedanke maachen.

Nach eemol d’Laura Zuccoli: “Dass de Staat hei soll seng Responsabilitéiten huelen, mir hunn hei Projeten, déi sech bewäert hunn, mir hunn hei een Knowhow, et ginn der nach anerer, mir sinn net déi eenzeg, mir mengen, et misst do wierklech eng koherent Strategie opgebaut ginn, fir dass eben den Defizit, dee mer awer hunn, an ech widderhuelen, deen hu mer vun net qualifizéierten Aarbechtsplazen, dass mer deene Leit déi Brécke bauen, fir iwwerhaapt eranzekommen.”

Der Asti wier et wichteg, de gesammelten Knowhow vun de Projeten aneren Initiative weiderzeginn an och an Zukunft weider Pilotprojeten opzebauen, fir eben déi concernéiert Populatioun opzefänken an anstänneg z’integréieren.

Lettre ouverte aux Ministres Asselborn, Cahen, Lenert et Schneider

Les associations regroupées au sein du groupe de travail SANTE du Ronnen Desch ont adressé une lettre ouverte aux 4 Ministres directement concernés par la Couverture Sanitaire Universelle.

Elles y présentent leur propositions et renouvellent leur disponibilité de dialogue.

Echos de presse :

Sech aktiv mat der Flüchtlingsthematik befaasst

Minsbesch. Obwuel 2020 keng Kleeserchersfeier méiglech war, konnt d’Schoul mat der Ënnerstëtzung vun der Gemeng trotzdeem en Don un eng Associatioun maachen.
Am Kader vun enger Projetswoch huet de Cycle 4 sech mam Thema Flüchtlinge beschäftegt. D’Narin, d’Meedchen, no dem dës Associatioun benannt gouf, koum op Schëtter an d’Schoul. Inspiréiert vu senger Liewensgeschicht a senger Flucht aus Syrien, hunn d’Kanner aus dem Cycle 4 mat Hëllef vun hiren Enseignanten, e flott Buch zesummegestallt. A Presenz vum Buergermeeschter an dem Schäfferot, huet de Cycle 4 der Associatioun Narin e Scheck vun 2 500 Euro iwwerreecht, fir d’Flüchtlinge bei hirem Neiufank zu Lëtzebuerg ze ënnerstëtzen.

De Cycle 4 iwwerreecht 2 500 Euro un d’Associatioun Narin

Gemeng Schëtter via mywort.lu (Luxemburger Wort 3. Juli 2021 )

Qui sont les sans-papiers du Luxembourg?

Assistante sociale à l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI), c’est elle qui a recueilli la parole de la jeune femme en situation irrégulière, victime de violences et exploitée par son patron (lire ci-contre) dont toute la presse a parlé cette semaine. Jessica Lopes l’a accompagnée pour déposer plainte, ce qui a valu à sa protégée une confiscation de son passeport et l’ordre de quitter le territoire dans les 30 jours. Une injustice à l’origine d’une vague d’indignation.

De quoi troubler la jeune assistante sociale engagée de longue date auprès des plus vulnérables : elle a, en effet, du mal à comprendre que cette histoire fasse l’objet de tant d’émoi alors qu’elle voit ça tous les jours. Dans un long entretien, elle lève le voile sur la réalité du terrain, loin des salons feutrés des ministères, sur les drames humains qui se jouent et sur les obstacles avec lesquels elle est forcée de composer.

Beaucoup d’idées fausses circulent à propos des sans-papiers. Qui sont-ils vraiment?

Jessica Lopes : Pour commencer, une personne sans papiers n’est pas une personne qui n’a pas de papiers! Pour pouvoir vivre au Luxembourg en tant qu’étranger, il faut des papiers d’identité et des papiers de séjour. Les ressortissants de pays tiers doivent les demander à la direction de l’Immigration, tandis que les citoyens européens doivent s’enregistrer auprès de la commune : quand on parle de sans-papiers, on désigne des personnes qui ne détiennent pas de titre de séjour valide. Rien à voir avec des gens sans identité dont on ignorerait les origines et le parcours.

En ce qui concerne les raisons pour lesquelles ils se retrouvent sans papiers : le plus souvent, ils sont entrés légalement sur le territoire, avec un visa touristique ou un titre de séjour temporaire (étudiant, jeune au pair, raisons privées, membre d’une famille), mais leur situation a changé et ne correspond plus aux conditions pour un renouvellement de leur titre de séjour. Typiquement : une personne avec un titre de séjour de travailleur salarié qui perd son emploi ou une personne dont le titre de séjour est lié à un mariage qui divorce.

Au moment où ils perdent leur droit de séjour, quitter le Luxembourg n’est pas une option. Il y a aussi les demandeurs d’asile, qui parfois sont en procédure pendant trois, quatre ans, et qui soudain écopent d’un refus définitif : ces familles décident souvent de rester, malgré la clandestinité. Un sans-papiers, c’est une personne qui, au moment où on parle, ne détient pas de titre de séjour valide. Cela ne veut pas dire qu’elle n’a jamais été en règle.

Logement, aides sociales, revenu minimum : là aussi, bon nombre de fantasmes existent. À quoi les personnes en situation irrégulière ont-elles droit au Luxembourg?

À rien du tout. De par leur statut, ce sont des personnes qui n’existent pas, elles sont comme des fantômes. Ces gens, ces familles, vivent ici depuis des années, mais n’ont absolument aucun droit. Ils sont exclus de toute aide sociale comme des foyers d’hébergement d’urgence ou des épiceries sociales.

C’est d’ailleurs pourquoi l’ASTI s’est mobilisée dès le début de la crise l’an dernier, car ils ont tous perdu leur travail dans les secteurs de l’Horeca et du bâtiment et, bien sûr, ils n’ont pu bénéficier d’aucun soutien. On a donc financé, sur dons privés, des bons alimentaires leur permettant de fréquenter les épiceries sociales. Plus de 100 000 euros ont été distribués à 500 bénéficiaires réguliers, dont 150 enfants. La plupart sont des familles originaires des pays de l’ex-Yougoslavie, du Brésil, du Pérou, du Sénégal, du Togo et du Cap-Vert.

Sans accès aux foyers, la seule solution, c’est les marchands de sommeil?

Exactement. On voit deux cas de figure : les hommes seuls errent dans les rues. La Wanteraktioun, qui vient de se terminer, étant l’unique refuge qui accepte les personnes en situation de séjour irrégulier, ils sont désormais sans toit et se retrouvent dans des squats ou s’adressent à des marchands de sommeil. Et puis, il y a les familles qui sont hébergées par d’autres personnes de la communauté, ce qui crée énormément de dépendance et donc de risque d’abus. Je pense à une femme avec enfants hébergée chez un monsieur qui est bienveillant pour l’instant, mais ça peut changer, et elle n’aura pas d’autre choix que de rester.

Est-ce qu’on sait combien ils sont?

Au Luxembourg, comme dans les autres pays, c’est quasiment impossible à chiffrer, puisqu’ils se cachent. Mais avec la pandémie, de nouveaux bénéficiaires se sont adressés à nous, pour arriver à ce nombre de 500 personnes rien qu’à l’ASTI. Maintenant, on est en train d’établir des listes pour ceux qui souhaitent se faire vacciner – puisque les sans-papiers ont été exclus des tests à grande échelle et de la campagne de vaccination –, et là encore, on voit apparaître de nouvelles personnes.

Leur situation les expose à toutes sortes d’abus. Que voyez-vous sur le terrain?

Ils subissent toutes formes de violence, à commencer par l’exploitation au travail. Typiquement, les femmes sont engagées pour s’occuper de personnes âgées ou malades, ou pour assurer les tâches ménagères dans des familles luxembourgeoises, à une rémunération bien inférieure par rapport à quelqu’un sous contrat.

Cette semaine, j’ai reçu une femme du Pérou qui est ici depuis 2016 et qui souhaitait s’affilier elle-même à la CNS pour 123 euros mensuels. Un compte bancaire est nécessaire bien sûr, mais sans papiers, impossible d’en ouvrir un. Elle a trouvé une femme luxembourgeoise qui a accepté de “l’aider” : elle lui a proposé de payer pour elle cette cotisation en échange de huit heures hebdomadaires de ménage dans sa maison de trois étages. Vous voyez, c’est ce genre de situations dans lesquelles les personnes sans papiers vont se retrouver, parfois sans même comprendre qu’elles sont exploitées.

Les responsables politiques ne sont pas à la hauteur?

Je ressens un manque de volonté de leur part de savoir ce qu’il se passe vraiment sur le terrain. Le ministre Jean Asselborn, qui fait souvent preuve d’humanité, est peut-être trop éloigné du terrain pour avoir conscience de ces situations. On a demandé un entretien avec lui pour lui faire part de ce qu’on voit tous les jours.

On est dans une logique qui consiste à suivre les règles établies, les lois : mais ces personnes sont là, alors qu’est-ce qu’on fait? Comment les aider si elles ne peuvent pas en parler? On doit sortir de cette bulle luxembourgeoise où on veut croire que tout va bien.

Les régulariser serait un vrai signe de solidarité de la part du Luxembourg qui se dit un pays d’accueil. Je pense que c’est le moment, avec cette pandémie, de remettre les compteurs à zéro et d’arrêter de faire l’autruche.

Vous plaidez pour une régularisation massive?

Ce serait un premier pas. Cela a été fait en 2013, où une grande partie des sans-papiers a été régularisée et cela n’a pas engendré d'”appel d’air” pour autant. Un autre pas serait d’analyser, dans nos lois, ce qui génère des situations irrégulières : encore hier, on a reçu un monsieur qui travaille dans une grande entreprise, avec un contrat de 30 heures. Il n’a pas pu renouveler son titre de séjour car il fallait un CDI de 40 heures, et du coup, privé de papiers, son employeur n’a pas pu le garder. Et il va lui être impossible de se faire embaucher ailleurs.

Cette condition qui, au départ, est censée le protéger et lui permettre de subvenir à ses besoins, crée des situations intenables dans les faits. Le Luxembourg doit être ouvert à la régularisation. La refuser n’empêche pas ces personnes d’être là et les maintient dans des conditions de vie qui ne sont pas dignes.

La jeune femme menacée d’expulsion toujours dans l’impasse

Convoquée ce jeudi à la direction de l’Immigration, la Brésilienne en situation irrégulière qui a dénoncé les violences de son patron est toujours dans une position incertaine : «Elle a pu récupérer son passeport et va maintenant introduire une demande de sursis à l’éloignement. Les autorités l’ont déjà informée qu’il sera accordé pour une durée de six mois», rapporte Jessica Lopes. «Elle est donc dans une sorte d’impasse, puisqu’elle n’est pas régularisée.»

Elle souhaite désormais que sa plainte aboutisse et être reconnue en tant que victime. «C’est le plus important pour elle», confie celle qui l’a accompagnée au commissariat. «Elle attend aussi d’être rémunérée pour tout le travail presté et jamais payé. Pour l’avenir, elle espère pouvoir rester au Luxembourg alors que son pays s’enfonce dans la crise sanitaire et économique.» Une demande de titre de séjour pour raisons privées a été déposée, avec une personne qui a signé pour elle un engagement de prise en charge, mais c’est «un titre difficile à obtenir», prévient l’assistante sociale.