Les ministres de l’Intérieur de l’Union Européenne se rencontrent ce jeudi pour, entre autres sujets, aborder les migrations et l’asile.
Si 2021 a commencé avec l’espoir d’une année forcément meilleure que 2020, en matière d’asile, l’espoir est constant mais se heurte malheureusement à la dure réalité du renforcement de l’Europe forteresse !
Le premier signe, loin d’être prometteur, est l’échec annoncé du nouveau Pacte Migration et Asile proposé par la Commission Européenne. Malgré une proposition qui est loin de pouvoir être décrite comme généreuse dans le sens d’une meilleure protection des réfugiés, le Conseil de l’Union Européenne n’a pas réussi à avancer avec les négociations. Si d’un côté, les pays qui sont confrontés aux arrivées importantes de réfugiés trouvent que la solidarité n’est pas suffisamment ancrée dans la proposition de l’exécutif européen, de l’autre côté, les pays moins friands à accueillir des réfugiés trouvent que la proposition de la Commission va trop loin. Nous sommes ainsi dans une situation où même un accord sur le minimum dénominateur commun semble impossible.
Si les perspectives s’annoncent plutôt sombres, la réalité quotidienne l’est déjà. Les refoulements de personnes qui veulent demander l’asile en Europe sont devenus monnaie courante à pratiquement toutes les frontières extérieures.
En Grèce, pays où sont toujours « parqués » des milliers de réfugiés, aussi bien la garde côtière nationale que les agents de Frontex sont accusés de les repousser vers la Turquie. Toujours en Méditerranée, l’Italie et Malte continuent à travailler main dans la main avec les gardes côtes libyens, pour éviter les arrivées de bateaux sur leur territoire. Les naufrages continuent et la Méditerranée renforce son statut de cimetière.
Dans les îles Canaries, confrontées à une augmentation des arrivées depuis plusieurs mois, l’incapacité des autorités à gérer humainement et rationnellement la situation, fait de l’archipel une prison à ciel ouvert, avec des violences envers les réfugiés, presque quotidiennes.
En Bosnie, après l’incendie du camp de Lipa fin décembre 2020, la situation humanitaire est devenue catastrophique. Bloqués à la frontière avec la Croatie, des milliers de personnes attendent un geste de l’Union Européenne qui fait de la Bosnie un « parking » pour migrants indésirables.
Non loin de là, la Hongrie, malgré la condamnation le 17 décembre 2020 par la Cour de Justice Européenne pour violation du droit européen à cause des refoulements de réfugiés, poursuit les pratiques de push-back violents, à tel point que Frontex a décidé de suspendre ses activités dans le pays pour ne pas cautionner les agissements des autorités magyares : une première dans l’Union Européenne !
Après la crise de l’accueil de 2015, la forteresse Europe s’est davantage renforcée, ayant comme conséquence directe l’explosion du trafic, l’empreinte de routes de plus en plus dangereuses par les réfugiés et indirectement la mort de ceux qui pensaient pouvoir y trouver une nouvelle vie.
Dans un récent rapport du Conseil de l’Europe, rendu public ce 9 mars 2021, Dunja Mijatovic, la Commissaire aux droits de l’homme, lance un appel de détresse pour les droits de l’homme ! Ce rapport dresse un constat catastrophique de l’approche des Etats européens qui concentrent tous leurs moyens à empêcher les réfugiés et les migrants d’atteindre les côtes européennes au détriment des droits de l’homme et de la dimension humanitaire.
Le rapport contient 35 recommandations, toutes destinées à prendre des mesures concrètes pour endiguer ce recul dans la protection des vies et des droits des réfugiés et des migrants. Le Conseil de l’Europe appelle, entre autres, à développer des voies de migrations sûres et légales, à mettre fin aux refoulements et aux autres mesures qui entrainent le retour des réfugiés et des migrants vers des lieux où ils sont exposés à de graves violations des droits de l’homme,…
Pour la Commissaire, il est grand temps que les pays européens mettent fin à ces tragédies honteuses et adoptent des politiques migratoires respectueuses des droits humains.
Il est donc temps pour l’Union européenne de cesser l’externalisation à ses frontières de la prise en charges des migrants et candidats réfugiés, de peser de tout son poids pour que cessent les pratiques illégales aux frontières, où des gens qui fuient la violence et la misère sont soumis à des violations flagrantes et répétées des droits humains.
Il est temps également que l’Union européenne mette en place un nouveau système d’attribution des responsabilités qui soit équitable, donne la priorité à la famille et aux liens plus larges et garantisse le respect des règles par des incitations positives (par exemple, les droits de libre circulation lors de la reconnaissance du statut) plutôt que des sanctions. C’est la seule réponse institutionnelle efficace et durable.
Il est temps enfin que l’Union européenne mette en place des voies sûres et légales afin que les personnes fuyant la persécution, la guerre et les conflits ou se déplaçant pour d’autres raisons puissent se mettre en sécurité ou avoir accès à des possibilités de mobilité sans avoir à compter sur des passeurs et des réseaux mafieux.
La crise sanitaire actuelle va nous obliger à réinventer nos modes de vie. En matière d’asile, l’Europe devra aussi s’engager sur un changement de paradigme, dans le sens d’une vraie solidarité et responsabilité partagées. Fermer les portes et regarder ailleurs n’est pas une solution, c’est, au contraire, aggraver le problème.
« Il s’agit là d’une question de vie ou de mort – et il en va de la crédibilité de l’engagement des pays européens en faveur des droits humains », prévient la Commissaire.
Collectifréfugiésluxembourg-lëtzebuergerflüchtlingsrot
11 mars 2021