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Edgar Morin et Alain Touraine, une humanité de pensée

Interview dans Libé
Par Eric Favereau et Thibaut Sardier
Edgar Morin et Alain Touraine à la Maison des sciences de l’homme, à Paris, le 10  janvier.

Migrants, Europe, nationalismes, écologie, gilets jaunes… Parties prenantes d’un projet de liste européenne, les sociologues ont échangé leurs analyses à l’initiative de «Libé», et partagé leur vision d’un monde égalitaire et solidaire.

C’est l’hypothèse d’une liste «Pour une Europe migrante et solidaire» aux élections de mai prochain qui les a réunis (lire Libération du 14 novembre). Si, quelques semaines après la naissance de cette idée, ils n’y croient déjà plus vraiment, les sociologues Edgar Morin, 97 ans, et Alain Touraine, 93 ans, restent persuadés que la place que nous faisons aux migrants reste une «question test» posée à une Union sur le déclin. Confrontant leurs analyses politiques à propos d’Emmanuel Macron ou des gilets jaunes, ils esquissent aussi un portrait de la France et du monde, où quelques «oasis» humanistes permettent encore de garder l’espoir d’une planète vivable, sur le plan social comme sur le plan écologique.

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A l’heure de la mondialisation, Alain Touraine a l’habitude de dire que l’étranger n’existe plus. C’est votre avis ?

Edgar Morin : Je voudrais partir de cette croyance qu’il y a des seuils de tolérance, et qu’il faudrait en tenir compte pour les migrants. Cette idée, je crois qu’il faut la soumettre à discussion : est-ce un seuil de tolérance psychique, biologique ou psychologique ? On peut supposer qu’une peuplade d’Indiens d’Amazonie ne peut ni accueillir ni supporter l’arrivée d’un grand nombre d’étrangers. Il suffit même d’un petit nombre de colonisateurs pour la détruire. En revanche, on peut penser que les populations européennes ne sont pas surpeuplées.

Alain Touraine : C’est même le contraire…

E.M. : En Europe, en tout cas, on peut penser qu’il y a encore des espaces inoccupés dans les campagnes, et qu’il n’y a donc aucun problème d’ordre physique ou biologique qui limiterait l’arrivée des migrants. Donc on arrive à cette idée que le seuil est psychologique. A un moment, «on» se sent menacé, saturé, et cela aussi bien par les étrangers qui restent que par ceux qui ne sont que de passage. La question centrale est celle de cette peur de l’arrivée des étrangers. D’autant que, lorsqu’il y a des crises économiques ou de civilisation, les angoisses se cristallisent sur des boucs émissaires devenus responsables de tous les maux, que ce soient les Juifs, les Arabes, les migrants. La question fondamentale devient alors : comment lutter contre cette dérive psychologique ?

A.T. : J’ai une approche assez différente. Je pense que la question qui se pose aujourd’hui à nous est de savoir si l’on accepte une vision d’un monde égalitaire ou bien si nous voulons maintenir notre situation d’ancien dominateur. Cette question, je la pose face à deux catégories, que je mets sur le même plan : les migrants et les femmes. Allons-nous sortir d’un monde où la liberté est limitée, dominé par les hommes blancs, ou bien considérons-nous comme indispensable de rentrer dans un monde entier et pas seulement fait pour nous ? Nous serons dans la modernité quand nous aurons admis que nous y serons tous. Lorsque l’on évoque le trio «liberté, égalité et fraternité», notions auxquelles j’aime ajouter celle de dignité, est-ce que l’on parle bien de la liberté de tous, de la fraternité de tous ? Autrement dit, je suis moins sensible aux thèmes de laisser entrer ou pas un certain nombre de personnes. Je dirais plutôt : effaçons l’immense tache d’une expérience de domination où l’on retrouve la colonisation, l’esclavage, l’infériorité des femmes. Nous ne serons jamais dans un monde normal tant que huit personnes sur dix ne sont pas égales. Avant toute chose, même les problèmes écologiques pourtant cruciaux, notre humanité doit se reconnaître comme une unité, un ensemble d’être égaux et libres.

Cela rejoint la pensée universaliste d’Edgar Morin.

E.M. : Ce que propose Alain est le problème que je me pose depuis des années et qui demeure sans solution. En 1991, en écrivant Terre-patrie, j’ai pris conscience qu’avec la mondialisation, tous les Terriens ont un destin commun avec les mêmes périls, qu’ils soient économiques, écologiques ou politiques. Cela doit entraîner un humanisme régénéré prenant conscience que toute l’humanité est emportée dans une aventure commune. Or, plus il apparaît évident que cette communauté de destins existe, avec la progression des événements mondiaux qui nous concernent tous, moins la conscience se fait. Pourquoi ? Est-ce parce que les angoisses provoquées par la mondialisation conduisent à des replis sur des cultures, des identités religieuses et nationales ? Sûrement. Cette question dramatique a pesé sur toute mon entreprise intellectuelle. Or, je vois depuis trente ans à quel point nous piétinons. La question écologique, qui était un des leviers pour ressentir cette communauté de destins, n’est pas ressentie comme telle. Comment réussirons-nous à renverser les esprits et les consciences ? On a eu l’expérience de la crise des années 30, qui était économique, mais aussi démocratique et presque civilisationnelle, et l’on a vu déjà à ce moment-là arriver le repli nationaliste fermé. Aujourd’hui, le néoautoritarisme nationaliste progresse dans le monde entier. Toutes ces questions sont liées, et Alain, tu as raison d’ajouter la question féminine et celle des séquelles de la colonisation. Les pays décolonisés jusque dans les années 70 ont été recolonisés économiquement. L’émancipation politique n’a pas été suivie d’une démocratisation. Pire, les terres fertiles ont été vendues à des sociétés chinoises, coréennes, etc., qui les exploitent à leur seul profit.

Comment faire pour combattre le repli nationaliste ?

E.M. : Je suis d’accord avec l’idée qu’il faut faire appel à notre sentiment d’identité humaine, qui contient aussi celui de l’altérité. Quel est le critère de la compréhension d’autrui ? C’est de comprendre qu’il est à la fois identique à soi par sa capacité de souffrir, d’aimer, de ressentir, mais aussi différent par son caractère, ses croyances, ses manies, etc. Or, dans la logique binaire technocratique qui nous domine actuellement, nous sommes incapables de le ressentir. C’est soit l’étranger absolu, soit le frère. Nous sommes pourtant tous compatriotes de notre Terre-patrie, et en même temps il y a en chacun des particularités. Il nous faut reconnaître que l’unité humaine et la diversité humaine sont inséparables, et respecter l’une et l’autre.

A.T. : Le modèle rationaliste, démocratique, est directement menacé. Pour la première fois depuis plusieurs centaines d’années, le monde est de plus en plus dominé par des non-démocraties, ce que j’appelle d’un vieux mot, des empires : avec Donald Trump, les Etats-Unis en deviennent un. La Chine également, de même que les pays à pouvoir religieux. Dans ce contexte, la reconnaissance des droits est une donnée fondamentale ; c’est seulement si nous nous considérons tous comme ayant les mêmes droits que nous pouvons déclencher nos mécanismes politiques. Ce que je demande, c’est de se mettre en position de défense citoyenne, car je préfère dire que les problèmes écologiques sont des problèmes qui s’inscrivent dans la défense de la citoyenneté. Il ne faut surtout pas séparer le politique, l’écologique et l’économique, même si je défends une certaine priorité aux problèmes politiques. Pour nous, il s’agit de savoir si l’on fait ou pas l’Europe, seul continent qui représente la démocratie. On ne peut y arriver que si nous donnons la priorité aux thèmes de l’humanité unie. Car soit vous faites du nationalisme xénophobe, comme la Hongrie, la Pologne ou l’Italie, soit vous faites l’Europe.

E.M. : L’Europe – on l’a vu pour la crise de la Grèce et pour celle des migrants – a montré sa cécité, mais aussi son côté réactionnaire. Je dirais que, devant cette régression généralisée, ce ne sont pas seulement les régimes autoritaires qui sont en cause, mais aussi la façon de penser des élites dominantes, fondée sur le calcul économique et sur le profit, cachant les problèmes fondamentaux. Contre cela, il s’agit de créer le maximum d’oasis qui permettent de faire place à nos résistances. Il y a heureusement dans nos pays un bouillonnement associatif, des lieux de fraternité où règne l’idée qu’il n’y a pas d’étrangers, que nous sommes tous frères, comme on l’a vu en Savoie. Ainsi, nous nous préparons à être des points de départ d’une nouvelle progression en même temps que des points de résistance à l’actuelle régression. Mais, contrairement à Alain, je note que les conditions actuelles sont globalement défavorables. Aujourd’hui, le seul homme politique d’esprit humaniste est le maire de Palerme, lorsqu’il a dit qu’il n’y avait pas d’étrangers et qu’il n’y a que des Palermitains. Cela montre à quel point nous sommes isolés, en régression. C’est pourquoi je pense que l’heure est à la résistance à toutes les régressions et barbaries, y compris la barbarie glacée du calcul qui ignore que les humains sont de chair, de sang et d’âme.

A.T. : Le thème des migrants, pour moi, est le thème test. Si vous lâchez sur les migrants, vous lâchez sur tout. En particulier sur l’Europe. En tant que Français, je voudrais obliger le gouvernement à s’engager. Il faut des accords, que cela soit ouvert, dire aussi que nous y avons nos intérêts. Nombre de nos régions ont besoin d’être reindustrialisées, d’autres doivent faire face à une réelle désertification, d’autres encore souffrent d’un manque de services publics. Il ne faut pas oublier que la population française est très peu mondialisée. Nous avons seulement deux villes mondiales en France : Lyon et Paris.

Réindustrialiser des régions périphériques, n’est-ce pas un vœu pieux ? Ne faut-il pas plutôt les accueillir dans les métropoles, là où l’économie est dynamique ?

A.T. : Vous pouvez dire cela en Pologne ou en Allemagne, où l’on manque de travailleurs. En France, c’est différent, et intégrer des migrants chez nous permettra d’intégrer nos territoires à l’économie mondiale.

E.M. : Cela suppose un changement de vision et de voie politiques, et de tirer le meilleur de la mondialisation transculturelle. Plus ça mondialise, plus il faut localiser, protéger les territoires, surtout ceux qui sont en voie de désertification. Il faut une pensée politique nouvelle, qui ne soit pas fondée uniquement sur la concurrence, les économies budgétaires, la baisse du nombre de fonctionnaires et des retraites. Il faut une politique hardie qui ne s’occupe pas seulement de développer les énergies propres, il faut dépolluer les villes, piétonniser les centres, refouler progressivement l’agriculture industrialisée au profit de l’agriculture fermière. Il y faut favoriser les solidarités, ne plus subir les publicités qui suscitent les achats les plus futiles. Il faut un renversement de pensée politique fondamental.

Face à ce vaste programme, pourquoi la question des migrants constitue-t-elle un test ?

E.M. : Il y a toujours eu deux France dans la France. L’une, démocratique et républicaine, a longtemps dominé l’autre, réactionnaire. Il y a des époques où c’est l’inverse. Certes, il n’y a ni Vichy ni Occupation, mais on voit réapparaître cette tendance à la fermeture et à l’hostilité, avec un dépérissement de la culture démocratique, de gauche. Les grandes idées universalistes étaient enseignées par les instituteurs de campagne, les enseignants du secondaire, les écoles du PC qui, en dépit de son stalinisme, apportait une idéologie universaliste. Les socialistes étaient aussi porteurs de ces idées-là. Or, aujourd’hui, il n’y a plus de PC, plus de PS, moins d’instituteurs de campagne. Il faut repartir à zéro.

A.T. : Absolument. Il y a une chose qui est un enjeu important : il y a ou il n’y a pas d’Europe. Et aujourd’hui, il n’y a qu’un homme politique en faveur de l’Europe : Emmanuel Macron.

Sur les migrants, il a pourtant joué un rôle plus qu’ambigu…

A.T. : Tout à fait. Face à la position de l’Italie, il a fait un pas en refusant de fermer les frontières comme le fait Salvini. Mais il a fait preuve d’une modération tout à fait excessive. Pour s’en sortir, il faut que Macron fasse alliance avec les gens qui portent ces valeurs universalistes dont nous parlons, ce que j’appelais le «tous ensemble».

A moins de quatre mois des élections, que peuvent les institutions européennes ?

A.T. : Dans tout ce qui se passe en ce moment, Bruxelles a joué un rôle positif, en freinant les gouvernements italien et hongrois, et en appuyant des pays comme la France.

E.M. : Bruxelles a joué récemment un rôle modérément positif, et dans l’ensemble il a été négatif. Avec les élections au Parlement européen, on risque pour la première fois d’avoir une majorité antieuropéenne. L’Europe est actuellement disloquée, et il faut l’empêcher de se désintégrer totalement.

Après tout, pourquoi ?

E.M. : Elle a permis des échanges humains et culturels entre les nations. Elle a contribué à la grande atténuation des hostilités nationales entre Allemands et Français, du mépris des Français pour les Italiens. Mais ce qui domine aujourd’hui n’est pas le sentiment commun, universel. Jusqu’à présent, toutes les élections européennes se sont faites sur des thèmes locaux, clochemerliens, et pas européens. Et maintenant, cela va se faire sur des thèmes antieuropéens. Nous sommes là aussi en période régressive. Il faut sauver les meubles.

Faut-il investir ces élections européennes à travers une liste centrée sur les migrants ?

A.T. : Il faut être conscient du fait que la défense de l’Europe est aujourd’hui une nécessité. Mais sur les élections européennes, je suis très pessimiste. Il y a quelques semaines, je suis allé à une réunion du projet de liste «Pour une Europe migrante et solidaire». Il y avait peu de monde. Il faut lutter contre le recul, la régression, il faut redonner de la confiance, de la volonté d’agir…

E.M. : Je me suis converti à l’Europe dans les années 70, alors que le continent se purifiait du péché originel de la décolonisation, et parce que l’Europe proposait de se défendre vis-à-vis de la menace soviétique, ce qui m’a semblé important lorsque je suis devenu antistalinien. Mais aujourd’hui, je n’y crois plus, je crois qu’elle est victime de forces de dislocation trop fortes : domination de l’économie financière, tendance aux régimes postdémocratiques et autoritaires. Il faut espérer limiter la casse et voir comment repartir, mais je ne fonde plus d’espoir sur l’Europe. Je crois dans la multiplication des oasis de résistance, liées les unes aux autres par cette idée de fraternité humaine et universelle. Cela existe, un peu partout dans le monde, ce sont nos réserves, ce sont nos bases. Mais malgré cela, on ne voit rien surgir. Si je prends l’exemple des gilets jaunes, il s’agit d’un phénomène difficile à saisir car très complexe, autonome mais aussi parasité à gauche comme à droite.

C’est une oasis d’après vous ?

E.M. : Non, pas encore. C’est un mouvement sans forme, protoplasmique, infra et suprapolitique à l’origine, qui se trouve parasité par des forces politiques réactionnaires et des casseurs qui se croient révolutionnaires. Il se politise lentement dans le chaos, avec des idées qui ne vont pas encore au fond des choses, mais il exprime des souffrances et des angoisses profondes. Comme disait la pancarte d’une vielle dame gilet jaune : nous voulons vivre et pas seulement survivre. Devant sa complexité, les uns ne veulent voir que les aspects positifs, les autres que les aspects négatifs. Même si les gilets jaunes s’effilochent, il en restera des éléments positifs et des résidus négatifs fascistoïdes. Désormais, la France est marquée par cette crise singulière et originale dans la crise générale de la démocratie. Je ne sais pas si le président Macron pourra reconquérir une crédibilité morale, ou plutôt il ne pourra la reconquérir qu’en changeant de voie, ce qu’il appelle «cap». Nous sommes dans une période d’incertitude. Est-ce un tsunami qui se prépare, ou tout repartira-t-il cahin-caha ? Chi lo sa ? [Qui sait ?]

A.T. : J’admets tout ce que dit Edgar, mais j’en tire des conséquences beaucoup plus activistes. Il faut réorganiser tous les sujets de débat autour du thème général de la démocratie. Et défendre une position d’ensemble plutôt qu’un programme ultraminoritaire.

E.M. : Pour moi, l’activisme est dans la résistance, et pas dans l’idée que l’on pourra reconstruire quelque chose dans une perspective proche. Cette résistance qui n’est pas analogue à celle des années d’Occupation, mais c’est aussi une résistance à la barbarie. Il n’y a pas que la barbarie des jihadistes musulmans, certes épouvantable, mais pas unique. Le mépris d’autrui, le fait de laisser crever le migrant, je le dis clairement, c’est une forme de barbarie. Il y a aussi la barbarie intérieure dans la domination du profit et du calcul, où tout est aujourd’hui réduit au PIB, aux taux de croissance, aux statistiques et aux sondages. Il faut renverser absolument la tendance. Je ne suis pas découragé, il faut continuer.

A.T. : Ce qui est capital, c’est de trouver un système d’argumentation, de confiance dans une vision des choses. La seule manière de défendre ce projet très isolé, c’est de dire que la France a besoin, dans tous ses aspects, d’affirmer sa confiance en elle-même.

Que peut-on espérer face à la situation sombre que vous décrivez ?

E.M. : Il y a quelque chose d’intéressant qui pourrait se passer aujourd’hui dans le fait que beaucoup de maires ouvrent des cahiers de doléances. Le 14 juillet 1789, cette explosion de furie apparemment irrationnelle n’a pris son sens que parce qu’il y avait auparavant les Etats généraux, puis une Assemblée constituante. C’était l’époque de la démocratie naissante. Aujourd’hui, nous sommes à l’époque de la démocratie gravement malade. Mais il est évident que si on retourne à quelque chose qui ressemble aux Etats généraux, si ces doléances exprimées dans le désordre le plus total par les représentants autoproclamés des gilets jaunes sont écrites dans les mairies et promulguées dans cette grande consultation nationale, il peut y avoir un réveil. Mais les problèmes de fond ne seront pas posés, je le crains : le pouvoir devenu sans frein des puissances d’argent sur la société et la politique ; corrélativement, les dommages sur la santé des produits de l’agriculture industrialisée ; la nécessité d’une nouvelle voie pour la politique française.

A.T. : C’est trop optimiste. Mais il faut trouver, à partir de l’ébranlement donné par les gilets, un nouvel équilibre pour la défense de la démocratie.

E.M. : Pendant longtemps, j’ai pensé que l’homme intelligent, cultivé, énergique et stratège qu’est Emmanuel Macron saurait transgresser ses croyances économiques fondamentales, comme il avait été capable de transgresser les règles démocratiques quand il s’est lancé dans l’aventure présidentielle. Je doute très fort, mais comme disait Molière, «belle Philis, on désespère, alors qu’on espère toujours».

Eric Favereau , Thibaut Sardier

Helpdesk Integration

Le nouveau site donne un aperçu sur les acteurs de l’intégration au Luxembourg, présente les programmes stratégiques, instruments et co-financement, aborde les volets Accueil et communication, la participation citoyenne et l’échange interculturel, l’éducation, la formation et les langues, le travail, le logement et les services sociaux.

Le site est géré par l’ASTI en partenariat avec l’Office Luxembourgeois pour l’Accueil et l’intégration (OLAI) du Ministère de la Famille et le Syndicat des villes et Communes (SYVICOL)

vers le site: ici

La politique d’asile au Luxembourg

La politique d’asile au Luxembourg

Entre promesses d’accords de coalition et revendications d’associations

Luxemburger Wort 26 janvier 2019

PAR AGNÈS RAUSCH *

Réagissant à mon attitude plutôt optimiste face à la partie « immigration » de l’accord de coalition 2018-2023, une jeune collègue me fit remarquer qu’il ne s’agissait que de vœux pieux, et qu’il suffisait de regarder la réalité pour m’en rendre compte. Le défi fut ainsi lancé pour confronter l’accord 2013 à la situation actuelle, et celui de 2018 à certaines revendications de la société civile.

Commençons par deux vœux pieux de l’accord 2013: «Le Luxembourg met en place une opportunité réelle au profit des nouveaux résidents de s’inscrire dans une trajectoire commune en même temps que l’immigré s’engage à œuvrer en faveur de cette trajectoire commune et des valeurs du pays hôte» (p. 188); impossible à réaliser des notions si peu définies. Et «la politique d’asile et d’immigration de l’Union devra … être marquée par les principes de solidarité entre Etats membres, d’humanité envers les plus vulnérables.» (p. 195) Alors qu’en réalité les travaux au niveau du Conseil européen en faveur d’une politique d’asile commune sont dans l’impasse, l’accord 2018 continue à prévoir que «sur le plan européen, les efforts pour soutenir de manière proactive le développement du Régime d’Asile Européen Commun (RAEC) seront poursuivis afin d’aboutir à un système cohérent et efficace qui tient compte de la solidarité européenne.» (p. 231) Si l’on se réfère au constat de ce qui se passe actuellement en Méditerranée, les Etats européens donnent plutôt l’image contraire, et il est difficile d’imaginer que le Luxembourg y apportera un changement fondamental.

Point positif: les ONG redoutaient de voir liés coopération au développement et aide aux réfugiés, mais l’objet de cette crainte ne s’est pas vérifié. En effet, « le Luxembourg continuera d’appliquer l’additionnalité des fonds mobilisés … pour l’accueil de réfugiés au Luxembourg. » (p. 213) Par contre, pour motiver les pays d’origine à reprendre leurs citoyens en situation administrative irrégulière au Luxembourg, l’accord de coalition 2018 prévoit la possibilité d’une coopération bilatérale en matière de voies de migration légales, liée à la reprise des irréguliers. (p. 231) Pour ce faire, le Luxembourg dépend de gouvernants qui se soucient rarement de la situation de leurs compatriotes partis à l’étranger.

Alors que la politique européenne n’avance pas ou peu en matière d’asile, le Luxembourg se tourne vers le multilatéralisme, il : « s’engagera pour le renforcement du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), afin que l’UNHCR puisse mieux assurer les services vitaux, face au nombre croissant des réfugiés dans le monde.» (p. 213) Il est quelque peu étonnant que l’accord 2018 ne parle qu’une seule fois des autres partenaires que sont les associations actives dans l’accueil, et de l’intégration des réfugiés. Suffit-il d’écrire que « les dernières années, de nombreuses associations et projets citoyens se sont constitués afin de favoriser l’intégration des réfugiés…» et que « ces projets feront l’objet d’une évaluation afin de pérenniser les meilleurs projets.» (p. 235) ? Encore faudra-t-il en préciser les critères.

Alors que la volonté politique était de hâter les procédures d’asile, qui ne devraient durer en moyenne que six mois, un rapport de la commission parlementaire des affaires étrangères de juin 2018 mentionne que la procédure «normale» s’étend actuellement sur environ sept mois, par rapport à 20 mois il y a deux ans. Ceci a été réalisé grâce à une augmentation des effectifs de la Direction de l’Immigration; le Letzebuerger Flüchtlingsrot (LFR) appelle à une pérennisation et une stabilité de ces effectifs ainsi qu’à leur formation.

L’accord 2013 avait prévu en outre «un nouveau mécanisme d’identification obligatoire … afin d’assurer que les besoins spécifiques des demandeurs d’asile tombant dans la catégorie des personnes vulnérables (personnes malades, femmes seules, femmes avec enfants, mineurs non accompagnés, et autres) soient reconnus et que ces personnes puissent bénéficier d’un soutien adéquat pendant toute la procédure.» (p. 202). La modification légale nécessaire a été réalisée. Par contre, le mécanisme mis en place avec la participation de l’Inspection sanitaire du Ministère de la Santé ne satisfait pas le LFR, qui demande de développer un dispositif indépendant pour la détection des vulnérabilités.

L’hébergement des réfugiés laisse à désirer

Le développement du logement social a été de manière générale un échec du Gouvernement précédent; l’hébergement des réfugiés laisse aussi à désirer: «En coopération avec l’Office luxembourgeois d’accueil et d’intégration (OLAI), le système de prise en charge sera renforcé par la création de places retour dans les foyers pour demandeurs de protection internationale … par l’ouverture d’une maison retour pour les familles (structure ouverte destinée à recueillir les familles à rapatrier.» (p. 203 et 204) Une telle maison n’a pas vu le jour; le LFR continue à s’opposer à la rétention des familles avec enfants et réclame la mise en place de structures de retour. L’accord actuel y répond et écrit qu’«il convient de compléter le dispositif actuel en matière de rétention et de structures semi-ouvertes en tant qu’alternatives à la rétention par des structures mieux adaptées aux besoins et aux situations des différents groupes de personnes concernées.» (p.233) Et pour ce qui est de l’opposition du LFR au logement sous tente des personnes en procédure dite de Dublin, au hall 6 de Luxexpo the Box, le texte de l’accord donne à espérer, car «il est prévu de remplacer la Structure d’hébergement d’urgence Kirchberg, de nature temporaire, par une nouvelle structure semi-ouverte permanente». Une autre revendication des associations est de loger de manière décentralisée dans les communes les réfugiés reconnus, car ils occupent actuellement plus que la moitié des places dans les foyers d’accueil. Malheureusement les coalitionnaires n’ont pas prévu de système coordonné pour le réaliser, alors que l’intégration des personnes concernées en serait grandement facilitée.

Pour ce qui est des cas de plus en plus nombreux de mineurs non-accompagnés demandant l’asile au Luxembourg, les associations demandent une clarification des missions du tuteur (la structure qui héberge et encadre le jeune au quotidien), et de l’administrateur ad hoc (l’avocat qui représente le jeune dans les procédures administratives et juridiques); voilà que l’accord 2019 risque de compliquer encore les choses en écrivant: «La désignation systématique et rapide respectivement d’un tuteur et d’un administrateur ad hoc en même temps que d’un avocat sera mise en place.» (p.231)

Tout aussi importants que l’accueil des nouveaux arrivants, sont les efforts d’intégration. Le programme du gouvernement précédent avait prévu de modifier la loi sur le RMG pour en faire davantage un instrument d’autonomisation. La loi y relative a été changée et l’activité d’insertion pour le deuxième adulte du ménage est désormais possible. Alors que l’accord 2013 prévoyait aussi de porter «une attention particulière aux jeunes de moins de 25 ans», ils continuent à être exclus du bénéfice du REVIS et la grande disparité de leur prise en charge par les offices sociaux continue à exister. Un autre point qui laisse à désirer est le cadre pour faciliter l’hébergement auprès de particuliers, et ce malgré l’insistance des associations sur ce point.

Alors que les demandeurs de protection internationale ont, après quelques mois de procédure, le droit de travailler, les démarches administratives imposées aux employeurs potentiels sont si lourdes que ce droit reste théorique. Le LFR a critiqué ceci à maintes reprises, car la passivité progressive de certains bénéficiaires de la protection internationale trouve son origine dans la durée de la procédure d’asile. Les coalitionnaires semblent l’avoir compris, mais ajoutent un bémol dès la deuxième partie de la phrase: «La procédure en obtention d’une autorisation d’occupation temporaire (AOT) sera simplifiée, après concertation de tous les acteurs concernés, afin de faciliter l’accès au marché de l’emploi des demandeurs de protection internationale, tout en tenant compte de la situation spécifique de ces personnes et en évitant un éventuel détournement de la procédure de protection internationale à des fins d’accès au marché de l’emploi.» Comme s’il n’y avait pas d’autres moyens pour combattre d’éventuels détournements!

Une autre voie très sensible pour réussir une bonne intégration, est celle des enfants réfugiés dans les écoles locales; ceci semble désormais acquis, car on peut lire à la p. 234 de l’accord actuel: «En étroite collaboration avec les communes, il sera veillé à ce que tous les enfants dans la tranche d’âge de scolarisation obligatoire puissent fréquenter leurs cours au sein d’une école régulière et seront intégrés dans les services d’éducation et d’accueil des communes.» Il faut relever que les promesses déjà réalisées dans le domaine de l’intégration scolaire sont la création voire la multiplication des classes francophones et anglophones, ainsi que la scolarisation des jeunes majeurs.

La régularisation des personnes non éloignables

Une dernière revendication du monde associatif est la régularisation des personnes non éloignables, séjournant depuis plusieurs années au Luxembourg. Si une petite ouverture a été faite pour les familles ayant des enfants scolarisés depuis plus de quatre ans au Luxembourg, les conditions pour accéder à un travail autorisé sont difficiles à remplir. L’accord actuel témoigne d’une petite ouverture dans ce domaine: «Le groupe de travail fonctionnant au sein de la Direction de l’Immigration en charge de l’évaluation de la situation des personnes en séjour irrégulier pourra s’associer de représentants de la société civile. Il avisera le ministre quant à une éventuelle décision de régularisation notamment sur base de motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité.» (p.232)1 Que les associations restent vigilantes et suivent la mise en œuvre de l’accord de coalition 2018-2023; car ce serait dommage de se contenter de vœux pieux.

* L’auteur est membre honoraire du Conseil d’Etat, sur proposition des Verts.

1) Dans des articles ultérieurs, il sera question des voies légales d’immigration et de la mise en œuvre d’une politique de retour inscrites dans l’accord de coalition 2018-2023.

Akim rennt

Rotondes

Dimanche  27.1.19  à 15:00 et à 17:00
Mardi  29.1.19 à 15:00

FR La guerre est passée par le village d’Akim. La paix semble être retrouvée, mais un jour, en fin d’après-midi, alors qu’il joue avec d’autres de son âge au bord de la rivière Kuma, se font entendre à nouveau des bruits sourds et des tirs. Akim doit fuir. Seul. Comme des milliers d’enfants qui immigrent aujourd’hui en Europe ou ailleurs. Parce qu’ils n’ont pas le choix.

Akim est un personnage sensible créé par l’auteure et illustratrice belge Claude K. Dubois. Construit autour des dessins de l’album, ce théâtre d’objets accompagné de musique live, de sons et bruitages raconte la peur, l’inquiétude, mais aussi et surtout les moments d’espoir, de solidarité et d’humanité.

DE Akim spielt mit anderen Kindern und ihren kleinen Booten am Ufer des Flusses. Doch die friedliche Stille trügt, denn plötzlich hören sie über dem Dorf Schüsse und Bombeneinschläge. Als Akim daraufhin seine Familie im zerstörten Dorf nicht mehr finden kann, muss er alleine fliehen. Akims Schicksal steht stellvertretend für die Erlebnisse vieler Kinder und Jugendliche, die zurzeit nach Europa kommen.

Zwei Schauspielerinnen und ein Musiker bringen in einer Verbindung aus Objekttheater, Musik, Klängen und Geräuschen Akims Geschichte auf die Bühne. Akim rennt ist eine Theateradaption des gleichnamigen Kinderbuchs von Claude K. Dubois.

Künstlerische Leitung, Konzept, Bühne: Sarah Mehlfeld, Thomas Jäkel, Christina Hillinger / Performance: Lisa Balzer, Jörg M. Buttler, Sarah Mehlfeld / Unterstützung: Industriegewerkschaft Bergbau Chemie Energie, Kulturamt Bezirk Pankow, Stiftung: Do, Stiftung Nord-Süd-Brücken / Kooperation: Brotfabrik Berlin, Theater Duisburg, Amnesty International / Uraufführung September 2016

Neustart ins Leben

Heisdorf. Miteinander reden, sich austauschen, Traditionen kennenlernen und gemeinsame Aktivitäten erleben – das sind die Grundziele des Hauses „Le temps des femmes“. Die Einrichtung, die sich auf dem Gelände des Altersheimes der Schwestern der christlichen Leere befindet und von der Caritas geleitet wird, richtet sich an Flüchtlings- und Migrantenfrauen und hat seine Türen Mitte Oktober 2018 geöffnet.

Viele Frauen hätten in der Vergangenheit Schreckliches erlebt, seien es Gewalt, Terror, Vergewaltigungen oder Zwangsehe gewesen und seien auf Unterstützung angewiesen, um den Start in ein neues Leben wagen zu können, erklärte die Caritas-Vorsitzende Marie-Josée Jacobs gestern während der Einweihung der Einrichtung. „Wir wollen ihnen dabei helfen, mehr Selbstvertrauen zu gewinnen und den Weg zur Selbstständigkeit zu finden“, betonte sie. Genau diese Möglichkeit werde den Frauen im Haus „Le temps des femmes“ auch geboten.

Erlebtes verarbeiten

Eine Möglichkeit, die derzeit auch etwa 50 Frauen in Anspruch nehmen. In dem geräumigen Gebäude steht ihnen denn auch ein vielfältiges Angebot zur Verfügung. In der Küche kochen die Frauen zusammen, im Atelier wird genäht, gestrickt oder gebastelt, es werden Yogakurse organisiert oder die Sprachkenntnisse verbessert. Die Aktivitäten selbst werden hauptsächlich von Freiwilligen auf die Beine gestellt. „Bei solchen Aktivitäten kommen die Frauen ins Gespräch und können über das Erlebte oder Probleme reden. Sie sollen wissen, dass sie nicht allein sind“, so Projektleiterin Tatiana Chambert.

Die dreifache Mutter Mirsala Durovic aus Montenegro ist eine der Damen, die regelmäßig nach Heisdorf kommt und begeistert von dem Konzept ist. „Zuhause kümmere ich mich um die Kinder, den Haushalt, habe aber kaum Zeit für mich. Hier genieße ich vor allem die Ruhe und die Momente, in denen ich entspannen kann“, erzählt sie. Gleichzeitig nutze sie dort auch die Gelegenheit, ihr Französisch zu verbessern.

Finanziert wird die Einrichtung übrigens nicht von öffentlicher Hand. Man sei dementsprechend auch auf Spenden angewiesen, wie Marie-Josée Jacobs unterstrich. Eine finanzielle Unterstützung wurde bereits gestern angekündigt: Der Abgeordnete Marco Schank wird die Vergütung seines neuesten Buches „Damit die Nacht vergeht“ an das Haus spenden.

Zurzeit ist dieses montags, mittwochs und freitags von 12 bis 16 Uhr sowie dienstags und donnerstags von 8 bis 12 Uhr geöffnet. nas

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