Qu’arrive-t-il à ces réfugiés qui se présentent aux portes de l’Europe et que nous renvoyons?
Arriverons-nous à mieux accueillir les réfugiés actuels que les pays réunis à Evian en 1938 n’ont réussi à accueillir les juifs persécutés par les nazis, se demande l’auteur
Qu’arrive-t-il à ces réfugiés qui se présentent aux portes de l’Europe et que nous renvoyons?
BRIEFE AN DIE REDAKTION Luxemburger Wort 19 février 2025
Nous avons évoqué avec respect, solennité et dignité le quatre-vingtième anniversaire de la libération des camps de concentration, celle du camp d’Auschwitz prenant un sens particulier parce que plus d’un million de juifs y furent assassinés. Ce fut en quelque sorte la machine la plus performante inventée par les nazis pour libérer l’Allemagne des juifs.
Et un cri d’écœurement résonne: «Plus jamais ça!». Mais quoi, «ça»? Une répétition à l’identique? Qu’un régime politique du monde ne mette en place une organisation pareille pour pourchasser, rassembler, torturer et éliminer d’autres hommes à cause de leur origine ethnique, de leurs convictions religieuse ou politique ou de leur orientation sexuelle?
La date de 1938 évoque surtout Munich, où eut lieu le 30 septembre la réunion où l’Europe démocratique (Edouard Daladier et Neville Chamberlain) eut confiance en la parole de l’Europe autocratique (Adolf Hitler et Benito Mussolini). Ce fut une erreur fatidique, une nouvelle étape vers la Seconde Guerre mondiale.
Mais quelques mois plus tôt, en juillet, eut lieu à Evian une autre réunion, convoquée par M. Roosevelt, à laquelle assistèrent des délégations de 32 pays européens, latino- américains et du Commonwealth. Le thème de la réunion, exprimé crûment, était: «Que fait-on des 750.000 juifs (pudiquement appelés réfugiés politiques) vivant en Allemagne et en Autriche (fraîchement annexée au Reich)?» En effet de nombreux juifs persécutés par le pouvoir nazi essayaient de fuir. Beaucoup essayèrent de passer aux Etats-Unis, qui, en pleine crise économique, limitaient la distribution de visas. Devant cette situation, Roosevelt convoqua donc cette réunion à Evian. Le résultat fut catastrophique. Aucun pays, pour toutes les raisons imaginables, ne voulut accueillir des juifs allemands, sauf la République dominicaine. Les juifs n’étaient les bienvenus nulle part et comme le reste du monde n’en voulait pas, Hitler se sentit autorisé à «purifier» à sa façon l’Allemagne et lespays qu’il allait conquérir plus tard. Et ce fut le début du plan d’élimination physique des juifs dont Auschwitz était le rouage le plus atroce. Personne ne s’imagina à Evian en 1938 que le régime nazi allait prendre cette orientation. S’ils avaient su, ils auraient certainement agi autrement.
Alors, «Plus jamais ça!»: Auschwitz ou Evian?
Qu’arrive-t-il à ces réfugiés qui se présentent aux portes de l’Europe et que nous renvoyons? On les renvoie chez eux pour mourir de faim avec leur famille? C’est pour l’aider à survivre qu’ils avaient pris tous les risques en essayant de gagner l’Europe démocratique. A ceux qui restent chez nous, avec autorisation ou non, est-ce qu’on leur permet de vivre dignement de leur travail? Et est-ce qu’on leur donne une formation qui leur sera utile, si un jour ils regagnent leur pays pour aider à son développement ou à sa reconstruction?
Armand Mignon, Contern