“Qui veut lutter efficacement contre la pauvreté, doit s’attaquer à la richesse”
“Qui veut lutter efficacement contre la pauvreté, doit s’attaquer à la richesse”
© Pixabay/Image d’illustration/aamiraimer
Jeudi, le professeur Christoph Butterwegge, chercheur en sciences politiques, était l’invité de la rédaction de RTL. Il a surtout été question de la pauvreté des enfants.
Selon un rapport de UNICEF Luxembourg, un enfant sur quatre risque de grandir dans la pauvreté au Grand-Duché. Pourtant, la lutte contre la pauvreté des enfants ne figure pas dans l’accord de coalition. Ce n’est pas une priorité de ce gouvernement. On ne parle pas beaucoup de pauvreté, car ce n’est pas un sujet qui fait plaisir. Les personnes concernées sont souvent rendues responsables de leur situation. Elles sont paresseuses et ne veulent pas travailler, disent les préjugés. C’est pourquoi la pauvreté n’est pas reconnue en tant que problème structurel et n’est pas une priorité politique, regrette le professeur Christoph Butterwegge. Il a été professeur de sciences politiques à l’Université de Cologne jusqu’en 2016 et mène des recherches sur la pauvreté, la richesse et la redistribution.
Ce n’est pas une “pauvreté de luxe”
La recherche distingue deux types de pauvreté. D’une part une pauvreté absolue, extrême, existentielle. Par exemple, si vous n’avez pas de quoi vous nourrir, pas de vêtements convenables, pas d’eau potable ou pas de logement.
Et d’autre part, une pauvreté relative, par rapport à la prospérité, comme nous l’avons au Luxembourg, par exemple. Les enfants en souffrent particulièrement, parce qu’ils se comparent en permanence aux autres. Il ne s’agit pas d’une “pauvreté de luxe”, prévient le chercheur allemand. Au contraire, on peut même souffrir d’avantage d’une pauvreté relative que d’une pauvreté absolue.
Un exemple: lorsqu’en plein hiver, un enfant se tient dans la cour de l’école, portant des vêtements d’été et des sandales, et est ostracisé et moqué par ses camarades de classe. Il souffre alors bien plus des moqueries que du froid qu’il ressent, selon le chercheur. Une pauvreté relative déprime, rabaisse et humilie souvent plus les concernés, et particulièrement les enfants, car ils vivent en permanence dans la comparaison.
© Andy Brücker
Cause principale: l’inégalité générée par la politique fiscale
Il y a de nombreuses causes à la hausse de la pauvreté. Les enfants sont pauvres, parce que leurs parents sont pauvres. La plupart du temps, les personnes concernées travaillent dans des secteurs mal rémunérés. Le marché du travail a été dérégulé, il est donc plus facile de licencier des gens ou de les embaucher uniquement à titre intérimaire.
L’État providence a été affaibli sous l’influence du néolibéralisme. Cela signifie qu’on a misé plus sur le travail que sur la sécurité sociale. Et il y a surtout le problème des inégalités, qui ne cessent de s’accentuer. Les pauvres deviennent de plus en plus pauvres et les riches de plus en plus riches, explique le professeur de sciences politiques. La raison en est la politique fiscale, qui favorise les riches et les “hyper-riches”, qui possèdent des milliards d’actifs. Et les pauvres sont lourdement impactés par la TVA, car les familles sont particulièrement touchées.
“La pauvreté a des effets sur les gens”
Si on parle de pauvreté, il faut aussi parler de richesse, selon Christoph Butterwegge. C’est-à-dire de redistribution. Il faut d’abord mener une autre politique fiscale, pour redistribuer du haut vers le bas. Il faudrait nécessairement commencer par le logement, car pour beaucoup, les loyers ne sont tout simplement plus abordables.
Le gros problème est évidemment aussi que les gens pauvres ne manifestent pas. A côté de leur travail et de leurs enfants, ils n’ont simplement pas le temps de descendre dans la rue. “La pauvreté a des effets sur les gens.” Elle mène à des problèmes de santé, des problèmes physiques, des problèmes d’addiction sont aussi fréquents. La classe moyenne, elle-même de plus en plus confrontée à la pauvreté, devrait effectivement agir politiquement. Mais aujourd’hui, on met moins l’accent sur la solidarité et davantage sur une mentalité de compétition.
La pauvreté est un risque pour notre démocratie
Les personnes pauvres vont aussi moins voter et cela met notre démocratie en danger. Elles ont le sentiment que notre système parlementaire et les partis établis ne représentent pas vraiment leurs intérêts, et elles ont en partie raison sur ce point, souligne le chercheur. La classe moyenne est parcourue par la peur du déclin social, ce qui fait le jeu des partis de droite, voire d’extrême droite.
Cependant, les riches peuvent également influencer la politique, ce qui constitue une menace supplémentaire pour la démocratie et discrédite le système.
C’est pourquoi il est important d’aller voter et d’élire des partis qui ne sont pas d’extrême-droite, selon le professeur Christoph Butterwegge.