Wanteraktioun et sans-abrisme – Quelques chiffres et beaucoup de questions

« C’est inacceptable ! ». Interrogé par le Luxemburger Wort, le Ministre de la Famille, Max Hahn, n’a pas mâché ses mots pour dénoncer une situation où, selon lui, des personnes viendraient de loin, et, parfois même, de très loin, pour profiter des infrastructures de la Wanteraktioun, privant ainsi „nos“ SDF de leurs lits.

Récemment encore, le Ministre a affirmé dans sa réponse à une question parlementaire de la députée Nathalie Morgenthaler que « [ l]ors de la WAK 2023/24 le rapport entre les inscriptions nouvelles et les inscriptions totales se situait à 70%. » Dans sa réponse à une autre question parlementaire du député Marc Baum, le Ministre explique que les personnes qui désirent séjourner à la Wanteraktioun doivent indiquer si c’est leur première inscription et que celles qui affirment résider au Luxembourg depuis plus de trois mois doivent justifier de leur présence sur le territoire luxembourgeois « par tout document disponible, notamment une attestation de fréquentation d’un service social ». En réponse à une deuxième question du même député, le Ministre indique que les personnes qui souhaitent s’inscrire à la WAK sont interrogées si elles travaillent et, si oui, sous quel type de contrat, mais ne seraient pas obligées de fournir cette information.
Il en résulte que les bénéficiaires de la WAK – quelque 2.352 personnes pour l’édition 2023/24, selon les chiffres du ministère – sont passées au crible à l’entrée. Elles doivent, notamment, indiquer leur âge, leur nationalité, leur statut socio-économique, ainsi que leur durée de séjour au Luxembourg. Ces chiffres ne se retrouvent pas ou seulement très sommairement dans les recensements dédiés à la WAK. Ainsi, le recensement 2022/23, en termes de nuitées, indique : « La majorité des personnes présentes au Foyer de jour étaient des ressortissants de l’Union Européenne et représentent 47,25% des bénéficiaires. 44,38% étaient des personnes en provenance de pays tiers et 8,37% étaient des personnes de nationalité luxembourgeoise. ». Aucune information n’est fournie, ni sur le statut socio-économique, ni sur le lieu de résidence habituel ou la durée du séjour au Luxembourg.
Une partie de ces éléments sont fournis dans le Troisième recensement des personnes sans-abri au Luxembourg 14/12/2023, qui est aussi le premier à inclure la WAK. Contrairement aux statistiques de la WAK, il s’agit là d’un recensement ponctuel, c’est-à-dire à un moment donné ; le 14 décembre 2023. A cette date, on constate une nette surreprésentation des ressortissants de pays tiers. Ainsi, « Les personnes recensées au foyer de nuit de la WAK sont, quant à elles, en majorité de citoyenneté non européenne (55%). ». Concernant la durée du séjour, le recensement du 14/12/23 constate : « En grande majorité, les personnes interrogées vivent toute l’année au Luxembourg. Il peut être constaté que ce sont les personnes logées au foyer de nuit de la WAK qui ont une résidence moins permanente sur le territoire luxembourgeois. » Il n’en reste pas moins que 71 % des bénéficiaires de la WAK ont indiqué qu’ils avaient passé toute l’année au Luxembourg. Parmi les 29% restants, 72% étaient effectivement des nouveaux venus avec une durée de séjour inférieure à trois mois, ce qui correspond à 20,9 % de l’ensemble des bénéficiaires de la WAK ! Un peu plus loin, dans le même recensement, 44 % des personnes interrogés indiquaient vivre au Luxembourg depuis plus d’un an, avec une large majorité, à savoir 34 % du total, depuis cinq ans et plus.
Il ressort également qu’une partie des personnes ayant séjourné à la WAK au cours de l’hiver 2023/4 étaient des bénéficiaires de protection internationale dont on peut admettre qu’ils sont devenus SDF à la suite de leur expulsion d’un centre d’hébergement pour demandeurs d’asile.
A l’analyse de ces chiffres, on se rend compte qu’un amalgame est fait entre « nouvelles » inscriptions et personnes venant de loin, tout cela pour soutenir l’hypothèse de l’existence d’un « tourisme social » qui n’a pas de fond !
Une autre information nous étonne : Dans sa réponse à la question parlementaire précitée de la députée Nathalie Morgenthaler, le Ministre de la Famille se base sur le « Affordable and Social Housing » de l’OCDE pour déclarer que le Luxembourg aurait affiché, en 2023, un taux de sans-abrisme de 0,11 % par rapport à sa population nationale, inférieure à la moyenne des pays membres de l’OCDE, estimé à 0,25 %. Or, en absence d’une définition commune, internationalement reconnue, l’OCDE considère la typologie ETHOS light qui rassemble à la fois le sans-abrisme et toute une série de types d’habitats précaires et provisoires. Suivant cette définition, les chiffres cités pour le Luxembourg par le ministère de la Famille se rapportent aux personnes sans abri qui vivent dans des hébergements d’urgence ou dans des foyers, et ne comptent pas les personnes qui sont dans la rue !
Exagération du nombre de bénéficiaires « étrangers » ; sous-estimation du nombre de « nos » SDF : Erreurs d’interprétation ou volonté politique de maquiller la réalité ? C’est une des questions qui se pose !

Luxembourg, le 29 janvier 2025 Communiqué par « Solidaritéit mat den Heescherten »